Cela démarre tranquillement. Comme les bons romans noirs des années 70. Cela sent le tabac et le whisky et le héros du roman, Martin Kowal, inspecteur des RG, se voit confier l’enquête sur l’assassinat de l’ambassadeur de Bolivie à Paris. Le pouvoir Giscardien flaire la piste de l’extrême gauche. Martin Kowal s’y colle. Il trouve des indices et même des coupables. Mais les choses ne collent pas vraiment. On lui intime l’ordre d’abandonner et de s’en tenir à la vérité qu’il a lui-même contribué à installer. Il continue l’enquête. Il découvre alors les coulisses du pouvoir et des compromissions de l’Etat giscardien avec les anciens de l’OAS. Il apprend que tous les comptes ne sont pas réglés et que son père disparu a peut-être quelque chose à voir avec l’histoire.
La face cachée des 30 glorieuses
Dans ce roman au cordeau où la plume de Decouty fait merveille dans les dialogues de Kowal avec les commissaires, les gauchistes ou les indics tout apparaît comme trouble. Où se situe le vrai ? Où se situe le faux ? Quelles sont les compromissions ? Jusqu’où peut aller le secret défense. Avec la minutie d’un orfèvre, Decouty fait voyager son lecteur dans tous les méandres de ces années 70 où les personnages sont réels, tel Poniatowski en minisrtre de l’intérieur détestable. Le tout est réalisé avec intelligence, passion et finesse. Après « La femme de pouvoir » dont nous vous avions parlé longuement ici, Decouty démontre une nouvelle fois son talent de conteur du réel. Dans les blancs de l’histoire il s’immisce, dans la noirceur du secret défense, il émet des hypothèses sur ce qui reste comme une zone d’ombre de l’histoire de France. Dans la mélancolie nonchalante teinté de détermination de Martin Kowal, il y a quelque chose d’universel. Comme si le héros rappelait à chacun et à chacune ses forces et ses fragilités. Les américains se gargarisent souvent d’avoir un James Ellroy qui trempe sa plume dans la plaie de l’histoire du pays, nous devrions nous gargariser d’avoir un auteur de la trempe de Decouty. Il raconte, mais il ne fait pas que cela, il montre aussi. Pour que le lecteur se fasse une idée. Et le lecteur se régale. On se prend alors à rêver du dernier pan de la trilogie 70’s que va écrire Decouty, mais aussi aux romans fabuleux qu’il pourrait tresser autour des années Mitterrand, de la Chiraquie, voire même des années Sarkozy.
“L’affaire Martin Kowal”, Eric Decouty, éditions Liana Lévi.
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