Avec "La femme de pouvoir", Eric Decouty nous plonge avec force dans les années 70. Un roman noir excellent où la fiction magnifie la réalité. Eric Decouty : futur grand nom du roman noir hexagonal ? Rencontre.
"La femme de pouvoir" d'Eric Decouty est un roman délicieux. Une plongée dans le Paris de 1973 où le président Pompidou est malade et où la politique, la brigade mondaine, et les policiers sont dans une imbrication que l'on peine à imaginer aujourd'hui. Decouty promène ses mots et ses lecteurs avec eux dans cette époque de basculement de l'histoire. En journaliste d'investigation, il soigne les détails et les faits, mais en écrivain fasciné par James Ellroy et David Peace notamment, il trace des lignes d'interprétation des événements et nous fait découvrir le personnage de La Rouquine tellement fascinant que l'on a du mal à se dire qu'elle est réelle. Et pourtant si. Cela virevolte, cela emporte et surtout ce roman donne envie d'en lire d'autres de l'auteur. En attendant, nous sommes allés le rencontrer pour parler des rapports de la fiction et du réel, du roman noir, du journalisme et de la littérature comme un engagement.
L’un des personnages principaux du livre, s’appelle Simon. Il est un jeune trentenaire. Qui est-il ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de créé ce personnage, jeune, par rapport à tous les autres ?
Eric Decouty : Personnage héros et fil conducteur de l’histoire qui était en dehors du temps. J’aimais beaucoup cette idée. Il n’est pas de son époque et pas non plus de l’époque passée. C’est un personnage qui a une forme de candeur, de naïveté qui lui permet de faire des choses qui sont déconnectées du réel. Il est dans la brigade mondaine, mais n’a pas tous les repères, de même il est dans un monde politique dont il ne possède pas toutes les clés et il est habité par sa quête qui remonte dans le temps. Comme il est hors des réalités policières, politiques, ou sociales, il a une liberté gigantesque.
Même s’il ne s’en rend pas compte. Il navigue dans tous les univers sans avoir de présupposés. Donc cela le rend meilleur. Mark Twain aurait pu dire de lui « il ne savait pas que c’était impossible, donc il l’a fait ».
Kundera aime à dire que les personnages sont tous des égos expérimentaux des écrivains… Qu’en penses-tu et a fortiori alors que nous parlons de Simon ?
Eric Decouty : Cette phrase de Kundera me fait bizarrement penser à une phrase de Michel Jobert chez Bernard Pivot. J’avais douze ans, Jobert est invité à Apostrophes et Pivot lui demande si son livre est autobiographique. Il répond : « évidemment puisque je l’ai écrit » !
Cette phrase m’a beaucoup marqué et celle de Kundera que tu me proposes me renvoie à celle-ci. Plus largement, je crois aussi que les personnages vivent indépendamment de leurs auteurs. Je n’avais par exemple pas prévu la bagarre à la sortie du Canard enchainé. Elle est venue naturellement avec l’évolution des personnages.
Tu plonges littéralement le lecteur dans le tournant des années 70, avec moults détails. Comment as-tu travaillé sur cette période pour la rendre si perceptible aux lecteurs ?
Eric Decouty : Ce qui m’a frappé au départ, c’est que ce moment de l’histoire n’a été que très peu investi par la littérature. J’avais donc envie de raconter cette époque-là. Je n’avais pas assez d’éléments personnels et donc en cherchant, en me documentant, j’ai eu la confirmation de mon intuition : cette période est une mine d’or romanesque.
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