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Insoumission poétique

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Pour cette chronique estivale, Frédéric Potier nous parle d'un poète oublié, prix Nobel de littérature, Saint-John Perse. A découvrir ou à redécouvrir pour la foi qu'il a dans la force de poésie. Remarquable.

Dans mon panthéon personnel des poètes oubliés, Alexis Saint-Léger Léger (1887-1975) dit Saint-John Perse (nom de plume choisi en 1924) se situe en très bonne place. Sauf si comme moi votre lycée portait son nom, il est assez rare de croiser des amateurs qui connaissent encore aujourd'hui la poésie de ce diplomate-écrivain français couronné du prix Nobel de littérature en 1960.

Petite séance de rattrapage : le jeune Alexis naît dans une plantation aux Antilles (en Guadeloupe précisément) dans une vieille famille de colons. Le père d'Alexis, ruiné par les catastrophes climatiques à répétition, rapatrie toute sa famille sur les bords du Gave de Pau où réside une grande colonie d'aristocrates britanniques et d'exilés russes qui s'épanouissent de cocktails en réceptions dans de gigantesques villas. Le jeune Léger, qui s'épanouit dans ce milieu très cosmopolite et mondain, reçoit une solide éducation qui lui ouvre les portes de nombreux salons et cénacles littéraires (Francis Jammes, Paul Claudel). Il étudie le droit et les lettres à Bordeaux puis à Paris tout en voyageant beaucoup. Le décès prématuré de son père, laissant sa mère et ses sœurs dans le besoin, le conduit à préparer avec acharnement le concours d'entrée dans le corps diplomatique qu'il réussit. Il sert par la suite quelques années en Chine et en Extrême-Orient puis gravit tous les échelons de la carrière en se rendant indispensable auprès du Ministre Aristide Briand. Nommé secrétaire général du quai d'Orsay, il attache son nom aux tentatives de désarmement européen puis prône un alignement sur la Grande-Bretagne qui aboutit à sa destitution en 1940 lorsque le Maréchal Pétain prend les rênes du gouvernement puis de l’État tout court.

Alexis Léger part alors en exil et trouve refuge à la bibliothèque du congrès américain, où tout comme Thomas Mann, il bénéficie d'une bourse Saint John Perse 1056546 330 540spéciale accordée par des fondations privées. À partir de cette date, même si Roosevelt le convoque par moments à la Maison-Blanche, Saint-John Perse se consacre presque exclusivement à la poésie. Impuissant face aux ravages du conflit mondial, sceptique sur les convictions démocratiques et la légitimité de De Gaulle, il se réfugie dans l'écriture et se tient à l'écart de la politique. Le poète s'isole dans une forme d'exil intérieur dont il ne sort que très rarement. Il n'écrit pas un seul poème abordant explicitement la guerre ou la Résistance et se tient soigneusement à l'écart des intellectuels de son temps comme si seul son univers personnel lui importait désormais.