Dans sa sélection du mois, Virginie Bégaudeau fait naviguer lectrices et lecteurs entre sensualité, fantasmes un peu fous, et éveil des sens. De quoi réchauffer les corps d’une façon plus agréable qu’avec le col roulé gouvernemental !
Couleurs primitives, Jeanne Cherhal & Petites Luxures
La sortie de ce sublime nuancier de 30 couleurs qui mêle poésie et érotisme est réjouissante. Le travail de la chanteuse Jeanne Cherhal et du dessinateur derrière l’exquis compte instagram “Petites Luxures” sonne comme une envolée lyrique à travers ce que nous avons de plus fort : l’amour. Mais pas seulement. L’automne est là, l’occasion de laisser exploser ses envies inassouvies de l’été en les fantasmant. Avec « Couleur primitives », je suis une femme amoureuse et libre, plongée dans une intimité aussi émouvante que charnelle. Des poèmes qui flattent la passionnée de belles lettres que je suis, qui proposent un éventail de luxure impensable alors. L’auteure a imaginé 30 nuances de couleurs pour épouser ses mots (sonnets, haïkus, blasons…) et l’expérience est merveilleusement sensuelle. De Fauve à Béluga, de Saint-Crème à Bleu d’orage, les illustrations répondent aux poèmes, les pénètrent, les ravivent.
Sublime sensualité coquine
Une passion érotique que Jeanne Cherhal couve depuis toujours et qui a trouvé la voie de l’excitation à travers ce projet. Le spectacle des sens commence dès lors que je touche la couverture, prometteuse d’aventures presque solitaires que je m’apprête à vivre. De la masturbation, du sexe oral, de la tristesse un peu, mais cette incroyable perversité sous couvert de littérature. Cette femme amoureuse, ce soir, c’est moi, un corps, un objet de convoitise pour tant de fantasmes. Il y a des couples qui jouissent sans silence, des rencards qui libèrent des ardeurs tabous. Tout est là pour atteindre l’extase. Et derrière un érotisme transcendant, c’est un recueil drôle et puissant que j’ai tenu entre mes mains sans intention d’y renoncer. Un bijou.
Histoire de la bonne, Leo Barthe
En me plongeant dans la suite de « La vie d’une chienne » Leo Barthe, je m’attends à tout. Et surtout à la jouissance. Avec ce second volet à la plume facile, mais excitante, la pornographie est en lumière. L’intrigue est simple : un jeune étudiant, brillant, emménage dans une vaste demeure bourgeoise habitée par des amis de sa famille. Contrairement à ce que l’on imagine dans ce type de scénario, le fantasme est directement capté par le fantastique. Le jeune homme est hanté par une mystérieuse bonne qui logerait dans la chambre annexe. Une silhouette fantomatique et masquée.
Fantastique fantasme
J’adore les romans pornos fantastiques, et rares sont ceux qui sont réussis. Alors je m’autorise de chasser le mystère avec le héros de Barthe, ce qui m’entraîne brusquement vers une vicieuse tentation. Cette femme a l’allure d’une chienne, et elle finit par s’en accommoder. Pire, à s’y identifier. Je suis totalement hypnotisée par la sensualité et l’immoralité de ce duo. Une obsession obscène qui fait fuir les âmes pudibondes, décuplée par mon imagination qui, force est de le constater, n’est pas assez vaste pour deviner ce qui m’attend. Je fonds dans un décor dramatique où mon corps est secoué de spasmes d’un désir tabou. Un orgasme interdit, une profusion intime et sensuelle que la fertilité de la plume de Barthe sublime.
Je dois changer ma manière de ressentir, découvrir les sensations d’un être qui n’existe pas. Un fantôme. Il n’y a plus le frisson d’une peau chaude et moite, des mains calibrées comme les miennes. Il y a la nuit et les affres d’un jeune homme torturé, il y a le lâcher prise d’un étudiant noyé par son travail qui s’évade à travers ses chimères érotiques. Un mélange parfait entre littérature accessible et jouissance folle.
Idéal pour les amoureux de l’automne.
Le blé en herbe, Colette
“Toute leur enfance les a unis, l’adolescence les sépare.”
A la lecture de cette phrase, j’ai su que j’allais parler d’amour, mais aussi du plaisir de la découverte. Colette décrit avec beaucoup de pudeur, de justesse et de poésie cet été en Bretagne où deux adolescents perdent un peu de l’innocence de l’enfance. Le thème est bien connu, mais son traitement est exceptionnellement bien maîtrisé. J’ai été conquise. Alors contrairement à d’autres romans sur le sujet, l’érotisme est plus tendre, la pornographie effacée derrière les fantasmes du lecteur, les miens en l’occurrence.
Imagination érotique
Les sentiments décrits sont ceux, exaltés, de la jeunesse. Romantiques et sensuels. J’aurais adoré découvrir cette pépite à l’âge de tous les fantasmes, justement, sur le sexe et le plaisir. Un amour de vacances mais le plus grand virage d’une vie. Si l’excitation n’est pas montée comme dans une lecture masturbatoire, elle n’en était pas moins présente car Colette a fait appel à ma nostalgie et à la simplicité de nos histoires personnelles.
J’ai voulu être Vinca qui retrouve Philippe dans cette maison qui abrite des jeux d’enfance, puis des jeux qui n’ont plus l’hypocrisie de la candeur. Les hormones et les pulsions, le besoin viscéral de s’offrir à un corps inconnu. Le passage, presque inévitable, de la chair pénétrée.
Dans chacun des fantasmes de ces amants, il y avait une part de moi. L’envie de sexe primitif, de sexe soumis ou de sexe commun. L’envie d’un amour simple. Jouir. Découvrir. Grandir. Et dire au-revoir. Un classique d’une sensualité renversante.