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Malka met de la raison en religion

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Avec son “traité sur l’intolérance”, Richard Malka clôt la trilogie de ses publications de plaidoiries après “l’éloge de l’irrévérence”, et “le droit d’emmerder Dieu”. Un livre superbe qui interroge l’Islam et donne des armes pacifistes pour construire un monde sans Dieu.

Capture D’écran 2023 02 10 À 11.53.15Cela fait déjà longtemps dans ses colonnes que l’on insiste sur l’importance de lire les livres de Richard Malka. Ses romans, ici. Ou ses essais, là. Une nouvelle fois, son dernier essai qui contient sa plaidoirie prononcée lors du procès en appel des attentats de janvier 2015 à Charlie Hebdo, à l’Hyper Cacher et à Montrouge, est un bijou d’intelligence et de finesse intellectuelle. Dans ce livre, Malka se penche sur une discorde millénaire entre deux versions de l’Islam dont nous payons encore aujourd’hui les conséquences. Loin de se placer en donneur de leçon, Richard Malka insiste sur le sens des mots, sur leurs interprétations, et sur la version de l’histoire de l’Islam qui est aujourd’hui dominante.

“Islam”, voilà le mot qui crée les crispations souligne l’avocat. Crispations car l’ignorance provoque la peur. Et Malka de redonner les clés d’une approche humaniste et universaliste de la vie. “On ne fera pas disparaître la peur de l’islam en en interdisant l’expression”, écrit-il avant d’interpeller le lecteur sur le sens des mots. Celui-là même qui crispe d’ailleurs puisque dans la tradition de l’Islam, le mot lui-même possède deux significations. Celle dominante actuellement de “soumission” et celle qui fut le symbole de l’islam des Lumières “Salam”, pour dire la paix. Et de rappeler les différences majeures entre le Coran de La Mecque dans lequel Mahomet n’a pas le pouvoir et où il a un discours universaliste. C’est la version des mutazilites où la raison est placée au cœur de la religion qui ne peut pas exister sans la raison.”Si Dieu avait voulu que tout le monde soit croyant il l’aurait fait ainsi, qui es-tu pour forcer quelqu’un à croire”, nous dit-il. C’est la vision d’Averroès et des autres. L’autre Coran c’est celui qui domine actuellement, celui de Médine, Mahomet a pris le pouvoir, c’est un Coran de pouvoir. Qui est un livre d’interdiction de philosophie politique. Ce texte qui est le mobile du crime contre Charlie Hebdo puisque les Kouachi ont “vengé le prophète”.

“Du zèle pour les sages”

Ce que souligne Malka, en creux, à travers cette interrogation du sens des mots, c’est que le choix est toujours possible. On a toujours le choix, le libre arbitre est notre outil. Voilà l’un des enseignements de cette plaidoirie magistrale. L’autre grand apport de ce texte est de rappeler l’histoire poétique, transgressive et humaniste de l’Islam des Lumières et sur cette idée même de blasphème qui n’existe pas dans le Coran. Un texte de 85 pages qui rend plus intelligent et qui donne aussi des arguments pour devenir aussi l’un des porteurs de cette voix de la raison, de l’universalisme et des valeurs de la République.

Ce qui ressort aussi de ce texte est l’envie de se moquer toujours, de tourner en dérision l’ensemble des préceptes des religions. Cela pour justement dédramatiser les choses. Blasphémer pour rappeler que Dieu doit rester toujours dans l’espace privé, et que le monde commun que nous créons par là est celui où la raison, le rire et la liberté l’emportent toujours. Celui où la loi prime toujours la foi, disait Aristide Briand. Et ce souvenir aussi de Voltaire : “Il est honteux que les fanatiques aient du zèle et que les sages n’en aient pas.”

“Traité sur l’intolérance”, Richard Malka, Grasset.

Photo de Une : Patrice Normand.

Tous les essais transformés d’Ernest sont là.

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