Certains lui reprochaient sa candeur, d’autres sa littérature des bons sentiments, les plus méchants sa mièvrerie. A contrario les aficionados voyaient en lui une source inépuisable d’inspiration et de beauté qui les nourrissaient de façon continue dans leur vie. En tout état de cause, la langue simple et limpide de Christian Bobin faisait parler et ne laissait pas indifférent en ce sens que sa forme proche d’une ligne claire donnait à chacune et à chacun la possibilité d’entrer avec elle en relation. Le poète et écrivain Christian Bobin est mort vendredi 25 novembre et le succès qu’il a rencontré tout au long de sa carrière dit quelque chose de ce que nous sommes.
Les mots que suscitait Bobin loin de la tiédeur, dans un sens comme dans l’autre, venaient justement de la puissance multiple de son œuvre. Alors qu’on l’assimilait à l’auteur de l’émerveillement, voilà qu’il considérait ce dernier comme “une cage”. Les titres de ses ouvrages disent d’ailleurs d’eux-mêmes le côté protéiforme de l’homme Bobin “La part manquante”, “la femme à venir”, “La plus que vive”, “L’enchantement simple”, “éloge du rien”, “la lumière du monde”, et tant d’autres.
Une multitude qui a donné l’idée à l’Ernestine de souligner ce matin ce dont Bobin est le nom et son succès avec lui. Il est le nom de nos recherches poétiques, et plus largement encore de notre envie de poétique. Peut-être même de notre envie de fiction. De poétique au sens de tenter, autant que faire se peut, d’être à la hauteur de la splendeur de la vie, tout en en acceptant la dureté. Notre envie de poétique qui surgit par hasard sans méthode, dans la beauté d’une nuque, dans le rire d’un enfant, ou dans le rigolo d’une situation et l’empreinte qu’elle laisse.
Dans cette poétique, comme dans le fou rire, dans l’amour, et dans toute les choses qui comptent, la clé est la surprise et le fait que cela survient au moment le plus inattendu. Il nous appartient d’être au rendez-vous. C’est cela que le succès de la langue Bobinesque raconte. Cette envie de poétique, ce besoin d’imaginaire et d’émerveillement qui constitue chacun et chacune de nous. Pourquoi sinon nous émerveillons-nous devant les décorations de Noël, devant un but de Mbappé, devant une toile de maître ou encore devant le souffle d’un amant ou d’une amante qui s’accélère en même temps que le nôtre ?
Ce que raconte le succès de Bobin est ce besoin de poétique au sens où il signifie d’aller taper avec son cœur dans le cœur de l’autre. Comme si ces instants poétiques étaient ce que nous ne pouvions pas enterrer. Jamais. La poétique est une aventure humaniste. De celles qui mêlent désir, volupté, émerveillement, douceur, joie, rire, et tout ce qui rend l’Humain meilleur.
Et si nous habitions poétiquement le monde ?
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