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Sylvie Lancrenon : “Un livre est un coup de foudre”

Sylvie Lancrenon Portrait

Son regard se pose sur les personnes les plus belles de la planète. Sylvie Lancrenon, entre pudeur et discrétion, est une créatrice d’intimité. Entre les lignes, entre les mots, entre ombre et lumière, son regard se nourrit de livres et d’images. Émotions.

« J’offre souvent les livres que j’ai édité. Non pas que je trouve que je suis la meilleure (rires), mais c’est un cadeau comme un accueil ou un remerciement. Il y a aussi une forme de fierté. J’ai réalisé trois livres de photographies : Cuba libre (Schirmer/Mosel) avec Emmanuelle Béart, Fragile sur Mylène Farmer puis un sur Danse (Flammarion). J’ai également publié un roman : Ombres et lumières (Albin Michel). J’ai aussi souvent offert ceux de Sebastiao Salgado. Je l’adore ! et j’adore regarder ses images.

Je suis une dévoreuse de livres de photographies, une véritable addict ! Quand je suis dans une librairie comme La nouvelle chambre claire, à Paris, je peux y rester des heures et en sortir avec tellement de livres que je ne peux plus les porter (rires). Je suis aussi très attirée par les magazines de luxe. Je les considère comme des livres. Cela sent bon le papier. J’aime le Vogue Italie, Vanity Fair, Purple. Je suis aussi très inspirée par les livres et les magazines de déco, comme Interiors. Chez moi, les livres débordent de partout. Je ne peux pas me passer d’images. En revanche, je suis moins sensible aux romans.

Un livre est un coup de foudre. J’aime aussi découvrir des choses. Par exemple, j’ai une passion pour Romy Schneider alors je regarde, je cherche. Puis d’un coup, je tombe sur UNE photo qui me transporte. Cela me rappelle ce que j’ai envie de photographier.

“Le livre m’inspire dans mes photos”

Un livre m’apporte une inspiration de lieu, de décor. Cela me permet de me faire une idée, de faire un mood-board. Je n’ai jamais su copier. Quand je prépare un shooting, j’ai comme une page blanche. Il faut la mettre en forme et, tout d’un coup, je peux tomber sur image que va me parler. Par exemple, je viens de tomber sur une image de Tom Cruise et Nicole Kidman tirée du film Eyes Wide Shut. Cette photo, très sensuelle, me parle pour son mystère et l’émotion qu’elle dégage.

Lors d’une prise de vue, mon but est de rendre la personne la plus belle possible et de réussir à capter une intimité. J’ai besoin de trouver quelque chose qui aura du relief. J’ai toujours envie de rentrer et raconter des histoires de cinéma comme si je me prenais pour un metteur en scène (rires). J’ai réalisé des films publicitaires et mon rêve serait de réaliser un long métrage. Je suis très attirée par les films policiers et les films d’amour (soupirs).

9783829603751 1 75L’amour est très important pour moi. Pour Cuba libre, le livre avec Emmanuelle Béart, j’avais repéré l’endroit. Nous y avions déjà fait des photos de mode ensemble. Il m’avait tapé dans l’œil. Je le trouvais ringard et un peu mystérieux. Emmanuelle a pensé la même chose que moi. Elle s’est dénudée tout naturellement. Cela se mariait tellement avec le décor. Un vêtement avec un tel endroit aurait été moche. Le décor y fait beaucoup et surtout quelle beauté d’Emmanuelle Béart ! Dans mes prises de vue, je suis autant attirée par le décor que par le modèle. Si, dans le lieu, vous n’avez rien à modifier et que tout s’enclenche bien. Cela créé la magie !

Après les séances, j’adore me concentrer sur les séries de photographies. Avec le numérique, je les regarde sur l’ordinateur. En argentique, j’aimais bien le principe de la planche contact. Je la recevais trois jours après. Cela laissait un temps de réflexion sans se jeter immédiatement sur les clichés. Je recherche alors des photos en dehors du classique. C’est une forme de redécouverte et de réécriture.

C’est difficile de parler d’écriture photographique me concernant. (silence) Je suis instantanée. J’attends le moment au cours duquel la personne va dégager une émotion particulière sans qu’elle ne soit posée. Quand je reprends les photographies, après une séance, je vois bien quand le modèle vous regarde sans vous donner grand-chose. Puis, il y a l’instant au cours duquel, tout d’un coup, quelque chose jaillit. C’est fabuleux.

“Je vis la photographie comme une forme d’écriture”

Actuellement, je travaille sur un projet autour de mes archives. Je suis en plein dedans. C’est aussi une forme d’écriture. J’écris une histoire comme un scenario. Les photographies doivent avoir un fil conducteur. C’est un gros boulot. Je porte ce projet avec mon œil sans être aidée par un directeur artistique. Je veux aussi redécouvrir une image comme si la prise de vue venait de se faire.

Parfois aussi j’offre certains de mes tirages. Je marche toujours à l’émotion. Quand je ressens la personne réceptive, je préfère offrir un tirage plutôt que des fleurs. Je sens que cela peut lui faire plaisir. Pour remercier, je peux aussi réaliser un portrait. Cette démarche fait plaisir également. J’avance beaucoup à l’intuition. J’aime faire plaisir. Et, au contraire, je ne sais pas me forcer (rires).

L’intuition fait tout. Elle met les gens à l’aise. Les gens n’aiment pas être photographiées. Les stars non plus. J’ai commencé comme photographe de plateau. J’ai appris sur le vif. Cela m’a beaucoup aidé. J’ai su réaliser des images très rapidement. Je n’ai pas besoin de passer des heures. J’aime bien aller très vite. C’est ce que je préfère.

Je me souviens, quand j’avais quinze ans, j’étais complètement fascinée par le magazine Marie-Claire. Je découpais des images. Emmanuelle BeartUn jour, j’ai photographié ma sœur. Elle avait trois ans de plus que moi, elle était très jolie. J’ai envoyé les images à Paris Match. Ils m’ont téléphoné. J’étais hyper fière ! Et en fait, pas du tout, ils voulaient engager ma sœur comme mannequin. Je l’ai mal pris (rires) ! Ce souvenir est amusant.

Le magazine Elle et la couverture avec Emmanuelle Béart ont modifié beaucoup de choses dans l’évolution du regard sur la féminité. C’était révolutionnaire. Il y avait à la fois un message et aussi un sens réel de la beauté. Depuis, je trouve que cela n’évolue plus. Je ne suis plus interpellée et pourtant j’adore les magazines. J’adore les kiosques, je voudrais tout acheté tant les magazines sont beaux : l’impression, l’odeur du papier, l’actualité, parfois des textes magnifiques.

Je suis très attentive à la qualité du papier des tirages photographiques. Quand j’en découvre un nouveau, je deviens folle. J’ai une mémoire très visuelle, je suis au quart de diaph ! C’est un pur bonheur ! »

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