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Pieds Nickelés étoilés

Un Général Classique

À l’heure où sont célébrés les 60 ans de la signature des accords d’Evian qui mirent fin au conflit, aborder la guerre d’Algérie par le prisme de l’humour relève, à première vue, de la mission suicide. C’est pourtant le tour de force réussi par François Boucq et Nicolas Juncker, téméraires artilleurs qui signent avec « Un général, des généraux » une impayable comédie satirique autour du putsch d’Alger du 13 mai 1958. La tentative de coup d’État militaire qui signa la fin de la IVème République et amena de Gaulle au pouvoir est traité par les auteurs sous la forme d’un truculent vaudeville dans lequel les protagonistes brillent davantage par leur arrivisme que par leur sens politique.

Personne n’est épargné. Boucq s’en donne à cœur joie pour croquer avec malice les traits de caractère de chacun des protagonistes de cette mascarade politico-militaire* : Salan en général hystérique et dépassé par le cours de l’Histoire ; Massu en vieux grognard éructant à l’envie des « Vive de Gaulle, les Boches on les aura ! », mais réduit au rôle de vulgaire estafette ; Lagaillarde en bidasse opportuniste vêtu d’un uniforme trop large pour lui ; Pfimlin en président du Conseil faussement roublard et franchement couard; Delbecque en franc-tireur de l’ombre ; Soustelle en démineur en chef… Un véritable panier de crabes au-dessus duquel plane la figure du général, l’ermite de Colombey-les-Deux-Églises, intelligemment laissé dans l’ombre au fil des pages – en robe de chambre, en promenade avec son chien, paisiblement endormi aux côtés d’Yvonne ou beurrant ses biscottes au petit déjeuner – avant de remporter la mise en habile tacticien.

Le travail de vulgarisation n’éclipse en rien la démarche pédagogique de l’album

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, « Un général, des généraux » est tout sauf une parodie des événements qui ont failli entraîner la France dans la guerre civile. Nicolas Juncker a construit un scénario plein d’ironie et d’irrévérence mais soigneusement documenté qui ne trahit en rien le déroulé des événements : la position des généraux, leurs décisions irréfléchies, les incessantes allées et venues entre Paris et Alger…  Les répliques qu’il a imaginées claquent comme des coups de feu et le dessin tout en gourmandise de Boucq finit d’emporter le lecteur dans l’aventure rocambolesque de ces Pieds Nicklés étoilés. Plus important encore, le travail de vulgarisation n’éclipse en rien la démarche pédagogique de l’album qui peut – que dis-je – qui doit être lu par tout à chacun pour mieux comprendre les dessous de ce putsch qui fit pschitt, ainsi que les derniers soubresauts de la IVème République.

*Général Salan, commandant supérieur interarmées de l’Algérie; général Massu, commandant de la 10e division parachutiste; Pierre Lagaillarde, avocat et député du département d’Alger; Pierre Pfimlin, président du Conseil; Léon Delbecque, chargé de mission de La Défense nationale à Alger; Jacques Soustelle, député gaulliste.

Un général, des généraux, de François Boucq et Nicolas Juncker, éditions Le Lombard.

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