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A la fin, c’est la liberté qui gagne

Ignacio Amenabar 2WW9yK108Q8 Unsplash

Chaque tragédie suscite en France un retour à la littérature. Les attentats islamistes de 2015 au Bataclan, à Charlie Hebdo et à l’hypercasher de Vincennes ont propulsé “Paris est une fête” d’Ernest Hemingway en tête des ventes. Le mouvement des gilets jaunes fut l’occasion de saluer “Et nos enfants après eux” de Nicolas Mathieu. La crise sanitaire fut en 2020 et 2021 un bon prétexte de relire “La peste” d’Albert Camus. Avec l’agression militaire russe en Ukraine, Stefan Zweig et son célèbre “Monde d’hier” vient spontanément en tête comme nous l’écrivions la semaine dernière. Utile pour comprendre le passage d’un monde à un autre, le retour de la guerre et la puissance des illusions.

Mais pour penser la tyrannie, rien de mieux que de se plonger dans la prose d’Étienne de la Boétie. Poète et juriste, le grand ami de Michel de Montaigne, fut l’auteur à seize ou dix-huit ans d’un chef d’œuvre  intitulé “Discours sur la servitude volontaire”. La thèse est simple, les pouvoirs tyranniques peuvent s’effondrer du jour au lendemain. Comment ? Il suffit de désobéir ou de s’abstenir d’obéir, et tout s’effondre. Évidemment, la réalité est un peu plus compliquée mais Étienne de la Boétie souligne à juste raison que défense de la liberté et combativité sont indissociables.

Lisons-le  :

“Il est certain qu’avec la liberté on perd aussitôt la vaillance. Les gens soumis n’ont ni ardeur ni pugnacité au combat. Ils y vont comme ligotés et tout engourdis, s’acquittant avec peine d’une obligation. Ils ne sentent pas bouillir dans leur cœur l’ardeur de la liberté qui fait mépriser le péril et donne envie de gagner, par une belle mort auprès de ses compagnons, l’honneur et la gloire. Chez les hommes libres au contraire, c’est à l’envi, à qui mieux mieux, chacun pour tous et chacun pour soi : ils savent qu’ils recueilleront une part égale au mal de la défaite ou au bien de la victoire. Mais les gens soumis, dépourvus de courage et de vivacité, ont le cœur bas et mou et sont incapables de toute grande action. Les tyrans le savent bien. Aussi font-ils tout leur possible pour mieux les avachir.”

Comment ne pas penser au président ukrainien, Volodymyr Zélensky et aux défenseurs acharnés et courageux de Kiev ?  Comment ne pas penser à ces villageois qui font reculer un char russe juste en marchant, les mains dans les poches ? 
Comment ne pas saluer aussi cette dame âgée, inconnue, qui à Moscou prend le métro grimée en bleu et jaune ? Comment ne pas penser à quelques jours de la journée internationale du Droit des femmes à ces combattantes ukrainiennes fières, fortes, vaillantes et sublimes qui, dans l’armée, défendent leur pays. Sœurs d’armes…

Aux côtés de ces héros chemine assurément l’esprit d’un jeune homme du XVIe siècle dont il nous reste une œuvre intemporelle. A relire d’urgence, pour se rappeler qu’à la fin, c’est la liberté qui gagne. Pas ceux qui interdisent les médias, qui emprisonnent les opposants et qui bombardent sans vergogne des villes entières.

Comment ne pas penser, aussi, à ces lignes de Romain Gary dans “Éducation européenne” : “La vérité, c’est qu’il y a des moments dans l’histoire, des moments comme celui que nous vivons, où tout ce qui empêche l’homme de désespérer, tout tout ce qui lui permet de croire et de continuer à vivre, a besoin d’une cachette, d’un refuge. Ce refuge, parfois, c’est seulement une chanson, un poème, une musique, un livre.”

Comment, enfin, ne pas songer à tous ces livres qui racontent la guerre d’Espagne en 1936. Au siège de Barcelone. A cette guerre qui, finalement, fut un prélude à l’autre. Aujourd’hui, Barcelone s’appelle Kiev. Nous sommes en 1936.

Bon dimanche,

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