Il y a bien longtemps dans une galaxie lointaine, les pandas vivaient tranquillement. Dans leur pays, la vie s’écoulait simplement. Ils tentaient de construire, pierre après pierre, le monde le plus habitable possible. Chaque panda avait les mêmes droits et tout était fait pour que chacun d’entre eux bénéficient des mêmes chances. Entre le blanc et le noir, ils inventaient un monde. Celui de l’égalité, de la liberté, et de la fraternité. Un monde où l’on pouvait rêver mieux pour ses enfants. Ils l’avaient conquis de haute lutte s’élevant contre les pandas tyrans, renversant les monarques, s’opposant à la sélection préférentielle des pandas blonds par rapport à tous les autres, et créant un monde accueillant pour les pandas différents. Bref, le monde des pandas était parfois imparfait, parfois génial, parfois incomplet, mais il était globalement harmonieux.
Les pandas avaient tendance à oublier leur chance. Peut-être même pourrait-on dire qu’ils s’installaient dans un certain confort, oubliant la subtile alliance du blanc et du noir et négligeant l’implication dans leur projet collectif. Dans ces pantoufles confortables, ils ne prêtaient plus vraiment attention au danger, préférant cultiver leur propre jardin avec piscine et inviter des amis pour faire des dim-sum au barbecue. « C’est la nouvelle façon de vivre. Heureux chez soi. Négligeant des structures collectives », avait même alerté un panda sociologue.
Dans ce confort ouaté, certains pandas se sont mis à cultiver des passions tristes ou pis une forme de besoin d’adrénaline. Plusieurs d’entre eux se sont ainsi mis à vertement critiquer le monde égalitaire gris des pandas, d’autres ont même poussé plus loin les limites. Comme avec l’éléphant dans un jeu de quilles, ils se sont mis à vénérer les hyènes. L’une de ces hyènes, particulièrement habile, su épouser les codes du monde des pandas. Elle séduisit des élites et des bateleurs d’estrade. Elle se retrouva même propulsée sous les feux de la rampe chaque samedi soir, jour où tous les pandas étaient devant le spectacle. A cette tribune la hyène en chef assénait contre-vérité sur contre-vérité, jouait avec les lignes jaunes légales du droit des pandas et même – souvent – les franchissait.
Peu importe, les pandas étaient anesthésiés, fatigués de leurs leaders assez peu charismatiques et surtout fatigués d’eux-mêmes. La hyène, elle, était installée. En profondeur. Elle alla donc plus loin. Profitant toujours plus des charentaises dans lesquelles les pattes des pandas et l’esprit des pandas végétaient depuis bien trop longtemps.
La hyène hurla toujours plus fort. Elle trouva même un soutien inattendu celui d’un Lion qui las d’avoir régné sur toute l’Afrique s’était pris de passion pour les hyènes d’Europe. Et notamment la hyène en chef du pays des pandas. Il lui ouvrit des portes, lui fit rencontrer tigres, requins et fourbes anguilles. Mieux, alors que les pandas rouges, roses et verts comparaient leur mini muscles, que les pandas bleus se perdaient en conjecture, que les bruns voulaient crier toujours plus fort, et que les oranges tentaient de mettre un peu d’ordre dans toutes les difficultés du monde des pandas, la hyène progressait. Elle expliquait sans rien n’y connaître et sans jamais l’avoir étudiée que l’histoire du monde des pandas était fausse, qu’elle devait être réécrite pour se conformer aux fantasmes des hyènes de pandas ou de hyènes mono-cépages. Les pandas oubliaient de rappeler qu’au contraire, l’histoire devait toujours se tourner vers l’infini et se penser en matière en mouvement fière de ses failles comme de ses réussites.
Clairement, la hyène était désormais en mesure de prendre le pouvoir dans la République des pandas pour y instaurer le « Premier ordre nouveau » qu’elle appelait de ses vœux. Les bases chancelaient. C’est alors que qu’un vieux couple de pandas, Milan et Vera, se levèrent et rappelèrent aux pandas la chose suivante, écrite par Milan dans l’un de ses livres : “Suppose que tu rencontres un fou qui affirme qu’il est un poisson et que nous sommes tous des poissons. Vas-tu te disputer avec lui ? Vas-tu te déshabiller devant lui pour lui montrer que tu n’as pas de nageoires ? Ils poursuivirent : “si tu ne lui disais que la vérité, que ce que tu penses vraiment de lui, ça voudrait dire que tu consens à avoir une discussion sérieuse avec un fou et que tu es toi-même fou. C’est exactement la même chose avec le monde qui nous entoure .”
Avant de conclure : pandas de tous les pays, de toutes les couleurs, réveillez-vous, c’est urgent. Avant qu’il ne soit trop tard !
Bon dimanche de pandas en éveil,
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