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Offensons les imbéciles !

Sansvaccin Debiles

Au mois de juin 1942, un officier allemand s’avance vers un jeune homme et lui dit : “Pardon, monsieur où se trouve la place de l’Étoile ? Le jeune homme désigne le côté gauche de sa poitrine.” Cette histoire juive (c’est ainsi que Modiano la qualifie) figure en exergue de son livre “La place de l’Étoile“. Dans ce roman Modiano raconte l’histoire de Raphaël Schlemilovitch, juif français né juste après la guerre et hanté par l’image de cette guerre et par la manie de la persécution. Le héros, qui est aussi le narrateur, raconte son histoire de manière complètement hallucinée, mélangeant réalité et fictions personnelles. Modiano joue ici de toutes les palettes de l’humour et de l’absurde comme outil d’exorcisation de l’horreur.

Quel rapport avec aujourd’hui ? Une résonance ou plutôt une dissonance. Féroce, assourdissante et même disons-le profondément révoltante. Cette semaine, suite aux annonces du président de la République dont on est en droit de penser ce que l’on veut, de sombres abrutis militants du dimanche ont cru bon de se parer de l’étoile jaune pour poster sur les réseaux sociaux une photo de leur résistance de pacotille contre la dictature sanitaire macronienne (sic). Au départ, en voyant cela on croit rêver. On se dit que ce n’est pas possible. En humaniste, on se dit même qu’en fait ils sont modianesques et qu’ils exorcisent… Et puis, en fait non, on ne rêve pas. Les abrutis ont vraiment fait cela. Ils se sont dit que c’était une bonne idée que de porter une étoile jaune marquée “sans vaccin” la semaine de la commémoration des 79 ans de la rafle du Vel d’Hiv où 13 000 juifs qui avaient l’obligation de porter l’étoile jaune, dont la majorité d’enfants ont été arrêtés les 16 et 17 juillet par la police française afin d’être déportés en Allemagne. Rappeler l’Histoire comme donner un coup de poing.

Au-delà de la colère, de l’effarement, de l’incompréhension et de l’envie de vraiment se fâcher, cet événement en dit long sur l’état de délabrement du savoir, de la mise en perspective et de la perte de repères immense dans notre pays aujourd’hui. Cela en dit long, aussi, sur ce qu’il convient d’appeler un archipel ou une clanisation de la société (que décrit à merveille Guillaume Villemot dans son dynamique essai “Quand le mépris devient la règle”, édition de l’Aube).

Cela en dit long sur cette époque où tout vaut tout et où chacun reste dans son clan et dans sa ligne d’eau sans ne jamais plus écouter ni entendre l’autre. Plus largement encore cela vient rappeler à quel point un peuple qui ne connaît pas son histoire est un peuple sans avenir. Doit-on encore longtemps tolérer cet état de fait ? Doit-on vraiment “comprendre” de tels excès, de telles inepties vides de sens et insultantes pour la mémoire ? Ne doit-on pas, à un moment, dire stop ? Dire que si toutes les opinions sont audibles, elles ne peuvent pas être aussi pauvres et scandaleuses dans leur argumentation ? Dire, simplement, que l’on en a gros de la bêtise crasse fière d’elle-même ? “La tolérance atteindra un tel niveau que les personnes intelligentes seront interdites de toutes réflexions pour ne pas offenser les imbéciles”, avait pourtant prévenu Dostoïevski…Ne pas offenser les imbéciles, voilà à quoi nous en sommes rendus. Et si nous faisions, en fait, l’inverse ?

Certainement que cela nous permettrait de mieux respirer et d’éviter de sombrer dans l’insignifiance la plus crasse comme les cochons qui aiment se rouler dans leur boue. Il est temps de dire stop.

Bon dimanche,

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