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Entre ici Romain Gary…

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Par Frédéric Potier

Enfin ! Enfin Romain Gary entre dans la prestigieuse collection la Pléiade des éditions Gallimard. Il était temps. D’autant que les dernières « entrées » dans la collection étaient plus que discutables sans faire injure à feu Jean d’Ormesson ou à l’intérêt qu’on peut trouver à relire Dracula et les autres écrits vampiriques. Romain Gary, s’il n’avait pas été incinéré, se serait probablement retourné dans sa tombe de s’être fait doubler de la sorte dans le Panthéon de l’édition française.
 
Pourquoi ce retard ? Sans entrer dans les secrets des négociations entre l’éditeur et les ayants droits, on ne peut qu’être surpris que ce projet n’aboutisse qu’aujourd’hui. Peut-être il y avait-il une forme de snobisme de la part des autorités éditoriales bien installés dans leurs certitudes à l’égard d’un écrivain iconoclaste, un quasi paria, « étudié au lycée » sans être devenu un « classique ». Un écrivain hors norme : résistant, gaulliste, diplomate, amoureux de la France, compteur, clown qui détestait l’enfermement, l’esprit de système et les pensées totalitaires si prisées tout au long du XXe siècle. Et les petits mensonges de l’auteur sur sa vie romanesque lui seront pardonnés pour sa grande fidélité aux valeurs humanistes (l’inverse ne saurait se concevoir).
Car Romain Gary était écrivain libre avant  tout. Cette force de liberté chez Gary, je l’ai découverte en lisant jeune adolescent La Promesse de l’Aube, offert par mon père. Tout un symbole : mon père, qui n’a pas connu son père, m’a transmis comme un cadeau d’une valeur inestimable un exemplaire de poche qui ne m’a pas quitté et que je relis régulièrement.

Courage et amour, c’était Gary

C’est un peu ma madeleine de Proust (sauf que je n’aime pas Proust). Un livre fétiche (rien à voir avec les chroniques de Virginie Bégaudeau) dans lequel je me réfugie régulièrement pour retrouver un peu d’humour, de force et de recul quand le temps se gâte. Gary y écrit en ouverture l’ambition de sa vie : « j’ai voulu disputer aux dieux absurdes et ivres de leur puissance, la possession du monde, et rendre la terre à ceux qui l’habitent de leur courage et de leur amour. ». Courage et amour, un magnifique programme.

La publication en deux tomes de l’intégralité de l’œuvre de Gary, et de son double Emile Ajar, permet donc de saisir enfin toute la puissance et la richesse de cette écriture. Et quitte à se ruiner pour des livres, autant acheter un troisième ouvrage qui vous permettra d’acquérir « L’Album Romain Gary » richement illustré.

Et en regardant le compagnonnage littéraire des auteurs rassemblés dans les exemplaires de la Pléiade qui trônent dans ma bibliothèque, j’imagine André Malraux faire un clin d’œil à Albert Camus et Victor Hugo puis prononcer quelques mots de sa voix inimitable : « Entre ici Romain Gary… nous t’attendions ».

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