7 min

Salomé Berlioux : “J’aime les héroïnes à contre-emploi”

Salome Berlioux 17

Retenez bien son nom : Salomé Berlioux. Après avoir créé "Chemins d'Avenir", une association qui accompagne les jeunes ruraux dans leur chemin d'études, après deux essais remarquables ("Les invisibles de la République" et "Nos campagnes suspendues"), la brillante Salomé Berlioux signe un texte littéraire puissant. Nous l'avons rencontrée.

Photos Patrice NORMAND

Il  y a quelques jours, nous vous disions à quel point le premier roman de Salomé Berlioux, essayiste, fondatrice de l'association "Chemins d'avenir" nous avait mis une claque. Par la force de son écriture, par la maîtrise du récit et aussi évidemment par la force de son sujet : l'impossibilité d'un couple d'avoir un enfant. C’est un texte solaire sur un drame. Sur une perte avant que d’être. Un texte plein de pêche de vie. Nous avons eu envie de rencontrer l'autrice. De discuter avec elle de l'écriture, mais aussi de la connaître à travers sa bibliothèque et ses lectures. Une rencontre à la hauteur de la qualité de son texte et de son écriture.

Vous avez fait le choix d’un récit littéraire, de créer un couple – Diane et Aurélien – qui est le double littéraire du vôtre et des couples en général. Pourquoi  ?

Salome Berlioux 36

Salomé Berlioux : Je ne pense pas m’être posé la question ainsi. J’ai toujours voulu faire un récit littéraire. Ecrire, et plus largement la littérature, c’est une grande part de ma vie depuis l’enfance. Un ami m’avait dit : « tu écriras un roman quand un sujet nécessaire s’imposera à toi ». Ce sujet est venu et c’est naturellement que je me suis tournée vers la littérature.

Par ailleurs, je voulais que Diane et Aurélien, par-delà l’épreuve qu’ils traversaient soient aussi la représentation d’un couple universel face aux épreuves de la vie. Quelles qu’elles soient.  Diane et Aurélien vivent l’épreuve de la PMA, la douleur de ne pas pouvoir avoir un enfant alors qu’ils avaient le désir de cela, mais plus globalement le livre est aussi celui de la façon dont un couple se sort, ou non, des moments difficiles d’une vie.

Le choix d’Aurélien et Diane est-il aussi là pour mettre une distance avec cette histoire ?

Salomé Berlioux : Non. Aurélien et Diane, c’est aussi un choix de lectrice. Je n’aime pas lire des livres où l’on m’impose une image figée, d’où l’idée du double fictionnel. Mettre mon propre nom était aussi retirer une part de liberté aux lecteurs et aux lectrices.

"Le sujet de l'infertilité reste un angle mort de nos sociétés"

Votre livre est une œuvre littéraire, tout y est-il vrai ou y a-t-il une part de fiction ? Avez-vous pris des notes tout au long des six années que vous racontez ?

Salomé Berlioux : L’idée d’écrire sur cette épreuve s’est assez vite imposée. L’autre chose qui était claire dans mon esprit était que, quelle qu’en soit l’issue personnelle, il n’y aurait pas de happy end dans le livre. Parfois, avec mon compagnon, quand nous sortions d’un rendez-vous lunaire avec un médecin, nous nous disions « ce n’est pas possible, il faut l’écrire » ! Je prenais alors des notes. Quand j’ai décidé de me lancer vraiment dans l’écriture, j’ai fait un plan détaillé. Pour tenir la ligne de crête de ce récit littéraire.

Vous détaillez très concrètement les moments de douleurs, ce que le corps de Diane subit comme dureté. Le style est quasiment chirurgical. A contrario, quand vous racontez les moments sensuels et intimes de Diane et Aurélien, vous utilisez plus l’ellipse. Pourquoi ce contraste ? Salome Berlioux 48

Salomé Berlioux : C’est intéressant cette question car mon éditeur à un moment donné m’a dit : « vous avez lâchez les chevaux. Continuez et faîtes pareil pour la dimension psychologique du ressenti de Diane » Il venait de lire justement une partie sur ce que je racontais des épreuves physiques de la PMA. Ce qu’il disait sur la dimension psychologique résonne avec ce que vous dites sur la dimension intime du couple. Je ne sais pas si j’ai gardé de la pudeur sur le reste. Je n’en suis pas certaine. J’ai adoré écrire les scènes sensuelles du couple. J’y ai vraiment pris beaucoup de plaisir. Peut-être que si l’on prend une image, j’ai ouvert totalement les portes des épreuves pour seulement entrouvrir la fenêtre sur l’intimité du couple. Comme dans une forme d’érotisme pour cela.