Retrouver Jean-Philippe Blondel est toujours un immense plaisir tant il sait se muer en impressionniste de nos vies et de nos sentiments les plus intimes. Chanceux ceux qui ne l'ont encore jamais lu. Chanceux également ceux qui vont retrouver la belle musique de l'auteur dans son très beau dernier livre : "La Mise à nu". Rencontre.
Dans cette rentrée littéraire du mois de janvier, il y a des mastodontes : Pierre Lemaître, Delphine de Vigan, Frédéric Beigbeder, ou encore - évidemment - le tome 4 de l’amie prodigieuse d’Elena Ferrante. Mais il y a aussi des auteurs - parfois moins attendus - et qui pourtant, tant pour leur dernier livre que pour toute leur œuvre valent bien plus qu’un simple détour. C’est le cas de Jean-Philippe Blondel.
Son dernier roman « La mise à nu » a paru, jeudi 4 janvier, et est une pépite de cette année 2018. Il y met en scène Louis Claret professeur vieillissant qui, à l’occasion d’un vernissage dans sa ville de province, retrouve un ancien élève devenu peintre et célèbre. Ce dernier lui propose de poser pour lui. Louis accepte. Pour le meilleur et pour le pire. Dans cette « mise à nu », Blondel parle de ce qu’on laisse derrière nous, mais aussi du moment où l’on peut commencer à dresser un bilan de nos vies. Comme dans tous ses livres (6h41, This is not a love song, le baby-sitter, Et rester vivant, accès direct à la plage, ou encore mariages de saisons), Blondel se mue en peintre impressionniste de nos sentiments et de nos vies. C’est à la fois joyeux, triste et drôle.
Dans chacun de ses livres, il y a de la nostalgie, de l’humour, des questions universelles, et une idée qui est celle d’une volonté de peindre nos vies humaines. Avec leurs émotions, leurs réussites, leurs regrets et leurs bassesses, aussi. Rarement un auteur par ses mots aura décrit aussi justement le délitement d’un couple, la transmission entre les générations, le besoin de séduction, celui de rester vivant après un drame ou encore simplement le bilan d’un quinquagénaire. Vous l’aurez compris, tout Blondel est à lire. Son dernier roman, « la mise à nu », ne déroge pas à la règle. Bien au contraire. Rencontre.
Question typique d’Ernest, comment pitchez-vous votre livre ?
Jean-Philippe Blondel : C’est marrant cette question car je travaille toujours avec un pitch en tête. En revanche, ils sont très courts. Vraiment très courts. Pour le « Baby-sitter », j’avais écrit dans un carnet « C’est l’histoire d’un baby-sitter », pour la « Mise à nu » c’était un peu plus développé : « un prof de province va à un vernissage ».
Ensuite, une fois que j’ai le pitch, que je sais quels sont les personnages que je veux écrire, je me laisse porter par le flot de l’écriture. C’est ainsi qu’il rencontre donc cet ancien élève devenu peintre célèbre et que ce dernier lui demande de poser pour lui. Une tension va ainsi s’installer.
Ce roman « La Mise à nu » apparaît dans votre œuvre comme la fin d’une époque. Comme la clôture de ce Blondel peintre de l’évolution de nos vies de l’âge du jeune adulte à celui du jeune retraité… Vous l’aviez envisagé comme cela au moment de sa conception et de son écriture ?
En quelques sortes, oui. Je vois ce livre en même temps comme la fin d’un cycle, une petite mort, mais aussi et surtout comme une renaissance. Ce roman arrive à un moment charnière de ma vie. Je vais bientôt être plus âgé que ne l’a jamais été mon père. Et que ne l’ont jamais été aucun membre de la famille. (La mère et le frère de Jean-Philippe Blondel sont décédés dans un accident de voiture. Ce fut aussi le cas de son père, quatre ans plus tard. Jean-Philippe Blondel le raconte sous forme de roman dans son très beau et très juste livre « Et Rester vivant », NDLR). Au fond, c’est comme cela que le livre a commencé. J’ai hâte de la terre inconnue qui s’ouvre maintenant devant moi.
Par ailleurs, j’avais vraiment envie d’écrire un livre à la façon d’un livre qui m’a bouleversé quand j’avais 17 ans et qui est d’ailleurs édité chez mon éditeur Buchet-Chastel - Les boucles de la vie sont toujours intéressantes . Ce livre c’est « je m’appelle Asher Lev » de Chaïm Potok. Il parle d’un petit enfant qui naît dans une famille juive hassidique où l’on a pas le droit de représenter les choses or, cet enfant a un don pour la peinture. Ce roman m’a totalement bouleversé parce que j’aimais les rapports entre l’art, la liberté, la morale religieuse, mais aussi la transgression. Faut-il faire de l’art avec ou contre les autres ? Dans ma tête, cette « mise à nu » est mon « Asher Lev » à moi.
Cette « Mise à nu » est donc votre livre préféré parmi ceux que vous avez écrit. Pourquoi ce titre ?
Oui, ce roman est sans conteste celui qui me paraît être le plus abouti. La mise à nu est multiple dans cette histoire. Il y a celle du professeur qui décide de poser complètement pour son ancien élève. Il y a la mise à nu de ce peintre qui va petit à petit dévoiler un caractère que l’on ne soupçonnait pas au départ. Et enfin, ce titre est celui du deuxième roman que j’ai écrit à 19 ans et qui n’a jamais été publié. La concordance avec ce roman et celui de ma jeunesse est le rapport à la peinture.
La peinture, justement. Pourquoi est-ce aussi important pour vos personnages et pour vous ?
D’abord parce que je suis un peintre raté. J’ai toujours été entouré par cela. Mes premiers souvenirs d’émotions artistiques- même avant la lecture - ce sont des souvenirs qui ont des liens avec la peinture. A 4 ou 5 ans, je regardais pendant des heures des catalogues de reproduction d’œuvres. Cela a vraiment cultivé mon imaginaire.
Cela veut-il dire que pour vous l’émotion que l’on peut avoir avec un tableau est plus forte que celle que l’on peut avoir avec un livre ?
Ce n’est pas du tout la même. L’une et l’autre peuvent se répondre. Parfois, un tableau ouvre une porte romanesque, parfois c’est un texte qui nous conduit vers une émotion plus brute - celle que l’on peut ressentir devant un tableau.
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