Europe centrale, années 1930. Après avoir fui la révolution russe, les jumeaux Sylvin et Maria Rubinstein se lancent dans le flamenco, avec à la clé un succès international. Quand la guerre les sépare, Sylvin tente de retrouver sa sœur en se déguisant en femme. C’est ainsi qu’il s’engage dans la Résistance et devient un tueur de nazis. A Hambourg, en 2017, une rencontre fait écho à leur histoire. C’est le pitch du nouveau livre de Marie Charrel (autrice que nous aimons beaucoup et dont nous vous parlions ici et là). Son dernier roman “Les danseurs de l’aube” a donc paru le 6 janvier dernier aux Éditions de L’Observatoire. Et c’est un livre très réussi. Très réussi dans sa construction et dans l’enchevêtrement des deux histoires celle de Sylvin et Maria Rubinstein dans les années 30 et celle de Lukas et Iva dans le Hambourg underground et contestataire d’aujourd’hui. Ils ont une passion commune : le Flamenco. Et un outil de résistance commun : leurs corps.
L’art nous sauve
Et c’est là que le roman de Marie Charrel prend toute sa dimension. Aucun besoin d’aimer le Flamenco pour entrer dans ce livre superbement mené et très habilement construit. Il suffit, au contraire, d’avoir un corps et de savoir à quel point celui-ci peut-être une arme au service de notre être profond. “C’est une drôle de chose le corps. Une enveloppe qu’on idolâtre ou qu’on ravage dans l’espoir que la vie y palpite un peu plus fort ou seulement pour la beauté du geste. Un carcan dont on aspire à jaillir afin de devenir une émotion pure”, écrit d’ailleurs Charrel. Avec cette trame narrative et cette envie d’explorer au-delà du Flamenco ce que le corps est pour chacun et chacune de nous, Marie Charrel tisse une toile puissante, intense et d’une profonde maturité sur ce que nous pouvons être, loin des cases qui nous sont assignées. Ainsi Sylvin fut un résistant, ou une résistante. Androgyne. Tueur de nazis. L’un des plus redoutables. Lukas danse lui dans notre contemporanéité. Il tente de résister à la marche incompressible du monde. Par la danse. Par l’art. Par tout ce qui nous meut, finalement. On referme le livre, en apnée, conquis par les personnages. L’un des très beaux romans de cette rentrée de janvier !
“Les danseurs de l’aube”, Marie Charrel, Editions de l’Observatoire, 20 euros
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