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L’adolescence en chantant

Ernest Cannonball Home Hansel

Avouez-le, vous avez un jour fait la liste des chansons qui ont bercé votre adolescence. Vous avez même discuté avec des amis pour savoir laquelle vous alliez mettre dans les dix meilleures de la période, vous avez tâtonné, vous avez allongé la liste, pour ensuite la raccourcir, et finalement l’allonger à nouveau. Certainement qu’en pensant à toutes ces notes, ces paroles, ces riffs de guitare, ces rythmes langoureux qui ont jalonnés votre existence et votre adolescence, vous vous êtes aussi remémorés les sensations, les sentiments, les envies, les rêves, les peines du moment où vous écoutiez ces morceaux. C’était doux. C’était mélancolique, c’était joyeux aussi. De ces douces sensations, Sylvia Hansel en a fait un livre. Cinquante chansons qui chacune la rattache à son adolescence. Qui lui rappellent ses relations (parfois chaotiques) avec ses parents. Ses premiers amours, ses chagrins, ses doutes aussi. Elle narre aussi tout ce qui lui a permis de se construire, les injonctions contradictoires faites aux femmes, et aussi évidemment, le chemin initiatique que constitue cette période de la vie qu’est l’adolescence où l’on se fabrique des premières fois.

Quand la musique change nos vies

L’écriture est vive comme un solo de Keith Richards, les mots sont choisis avec précision comme dans les plus belles chansons à texte, et cela raconte aussi une époque. Celle des années 90. Des crises économiques, de l’avenir incertain, la Lorraine, la Normandie, la France. La montée du Front National, les engagements militants aussi, un peu. Les non-engagements aussi. Les Stones répondent à Nirvana qui dialogue avec les Pink Floyd, Hole, Eels et Alanis Morissette eux-même fascinés par Renaud qui taille la bavette avec Noir Désir, Radiohead, Les Breeders, mais aussi les L7. Ce livre est un cri, celui de l’adolescence où tout se vit plus intensément et où, souvent, on est sur la corde raide. Ce que raconte aussi le très beau livre de Sylvia Hansel, c’est la relation singulière que nous tissons avec les artistes qui font partie de notre panthéon personnel. Comment leurs voix, leurs notes, leurs façons d’exprimer leur art et de nous toucher sont aussi importantes dans la construction de nos êtres profonds que les relations amicales, voire même les relations avec les parents. L’un des historiens de Mai 68 avait même expliqué que dans cette révolte “Lennon avait eu plus d’importance que Lenine”, façon de dire que, décidément, l’expérience sensible que nous fait vivre un morceau de musique que l’on aime est bien plus puissante sur nos actions que des thèses politiques. Allons même encore plus loin. Oui, la musique peut nous sauver la vie. “My life was saved by rock’ n’ roll” comme le disait Lou Reed qu’Hansel cite dans son bouquin. “La musique peut changer le monde”, disait Hendrix. En tout état de cause, elle change les êtres, c’est déjà le premier pas. “Cannonball” est un très beau livre. Une littérature populaire intelligente et drôle.

“Cannonball : l’adolescence n’est pas une chanson douce”, Sylvia Hansel, éditions Intervalles. 20 euros.

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