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Deborah Levy : “Si on écoutait les femmes exprimer leurs désirs ?”

©Sheila Burnett

Queen, Bowie, Barthes, le féminisme et littérature sont au menu de cet entretien avec Déborah Levy, Prix Femina du roman étranger 2020. Rencontre savoureuse et littéraire avec cette Annie Ernaux d'Outre-Manche.

"Le coût de la vie", et "Ce que je ne veux pas savoir" sont deux livres forts et puissants. Des livres que le parcours d'une femme, sur l'amour, sur la vie, sur le temps qui passe et sur ce qui nous enferme ou nous rend libre. Ces deux livres, signés Déborah Levy ont paru aux éditions du Sous Sol. Leur lecture est fluide, agréable, et interpellante. Les mots de Levy touchent au coeur le lecteur pour lui faire prendre la mesure de ce que signifie la perte, la reconstruction, mais aussi la joie de la liberté. C'est doux, intense, fort et bien écrit. Nous avons eu envie de discuter de féminisme, de littérature, de David Bowie et du rôle de l'écrivain avec Déborah Levy qui vient de remporter le prix Femina du roman étranger.

EDSS 125 200 LEVY COUVES VIE PLAT1Vous parlez de ces deux ouvrages comme une autobiographie en mouvement. Qu’entendez-vous par là ?

Déborah Levy : Ces livres sont écrits au présent de l’indicatif, ils ne regardent pas en arrière vers une existence qui a déjà été vécue. Même quand j’écris sur l’enfance, la protagoniste en fait l’expérience en rapport avec ce qui l’inquiète au moment présent de sa vie.
Ces livres ne racontent pas non plus toute une vie, mais retracent une sélection d’expériences et de moments vécus. Pour être honnête, quand je lis des autobiographies, je n’ai pas envie de connaître une vie dans son entier. Je veux découvrir les événements qui ont créé du changement dans la vie du ou de la protagoniste. Je veux savoir ce qui se passe dans le monde autant que ce qui se passe dans leur vie — Annie Ernaux utilise ce procédé à la perfection. Et je veux apprendre toutes sortes de petites choses comme leur façon de découper le pain, leur premier baiser ou comment ils/elles parlent à leurs ami(e)s et je veux découvrir ce qui compte pour pour eux/elles, ce qu’ils/elles pensent.

Ces deux livres sont aussi le récit du combat d’une femme, pour être elle-même. Comment une femme peut-elle conquérir sa liberté aujourd’hui ?

Déborah Levy : Les petites filles et les femmes ont été si souvent imaginées par la société qu’il est difficile de savoir ce qu’elles veulent parce qu’on leur dit sans cesse ce qu’elles veulent. Et si on les écoutait exprimer leurs désirs, plutôt ? C’est une question existentielle et politique, et bien sûr, il y a de fortes chances pour que leurs désirs viennent subvertir le patriarcat. Pour s’approcher de la liberté, il leur faudra arrêter de tout le temps répondre aux désirs des autres et découvrir quels sont les leurs.