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Titiou Lecoq : le féminisme de la chaussette

Andrew Neel 274866

Et si le féminisme de demain passait aussi par la chaussette qui traîne ? C'est - entre autres - la théorie de Titiou Lecoq dans son livre réjouissant et stimulant "Libérées : le combat féministe se gagne devant le panier à linge sale". Rencontre.

[caption id="attachment_5010" align="alignleft" width="366"]Titiou Lecoq crédit DM[/caption]

"Tu vas acheter la corde pour te faire pendre". C'est avec un sourire et un humour sans faille que Titiou Lecoq nous invite à nous procurer son dernier livre "Libérées : le combat féministe se gagne devant le panier à linge sale" pour l'offrir à notre moitié. Au-delà de la blague, l'essai de Titiou Lecoq est remarquable. Il s'attaque avec brio à la question de la charge mentale qui pèse sur les femmes, les invite à prendre conscience de la chose et à en parler avec leurs amoureux. Loin des mantras de développement personnel, l'ouvrage est une enquête journalistique menée tambour battant et auscultant - faits et exemples concrets à l'appui - la façon dont les femmes sont toujours victimes de leurs propres impensés imposés par la société patriarcale et par leur éducation genrée.

Au-delà de ce propos très fort et actuel, l'intérêt du livre repose aussi sur son style. Titiou Lecoq est une excellente romancière "Les Morues" et "La théorie de la Tartine" (Livre de Poche) et  elle sait raconter des histoires, croquer des situations du quotidien et emmener le lecteur avec elle. Mieux, l'ouvrage ne se contente pas d'énoncer les principes du féminisme moderne, il donne à voir, il met en situation. Ainsi, même le lecteur homme s'y retrouvera, rigolera (oui, oui) et réfléchira à sa situation.
Enfin, le postulat de départ - celui de partir du quotidien de chacun - pour aller vers le global est également très intéressant. Il permet à chacun de s'interroger avec humour. Humour, style et profondeur du propos : que demander de plus ?

Ernest est donc parti interroger Titiou Lecoq - journaliste pour Slate, romancière et essayiste - et évaluer, avec elle, sa charge mentale.

Ernest : Quel a été le déclencheur de cet essai sur la vie domestique des femmes et cette fameuse charge mentale ?

Titiou Lecoq : C'est un processus assez long. Mais au fur et à mesure de ma vie de mère de famille, je me suis aperçue qu'alors que je suis féministe affirmée, que je défends des causes et que cela structure ma vie, ce n'était pas vraiment le cas dans ma vie quotidienne. Une fois que je suis chez moi, c'est moi qui tient la maison. C'est en fait l'incohérence entre mes idées et ma réalité qui m'a sauté aux yeux et m'a fait réfléchir. Avec une interrogation centrale : pourquoi les femmes délaissent ce champ alors qu'a priori, il est le plus simple puisqu'il s'agit de discuter avec une personne avec qui l'on couche et avec qui l'on a décidé de vivre.

Quand vous avez commencé à travailler avez-vous essayer d'écrire un roman ou êtes-vous directement partie vers l'essai ?

Au départ, le sujet était d'abord un article. Je me demandais comment Instagram réactivait le mythe de la maîtresse de maison et de la maison parfaite. J'ai fait des recherches, et pris 300 pages de notes. J'ai donc décidé de faire un essai sur le même ton que celui de mes articles pour Slate. Avec une première personne assumée, un ton léger qui permet de capter l'attention du lecteur, et ensuite les amener vers une logique plus profonde et plus politique. Dans un roman, je n'aurais pas pu tenir le même propos. Car le roman pose des questions, et là il y a une interpellation de mes lecteurs.

"Pourquoi les femmes se taisent-elles lorsque des sujets sérieux sont abordés dans les dîners" ?