Paul Vacca est de retour dans son cabinet des mythologies. Dans cet épisode 2, il explore la nouvelle mythologie de notre monde moderne : la librairie ! Il convoque Platon et Aristote et ça dépote.
Mythologie #2 : la Librairie
Soudain, les réseaux sociaux se sont embrasés. Tout le monde lui a déclaré sa flamme. C’était à celui qui déclamerait le mieux, la main sur le cœur et les larmes aux yeux, que vivre sans elle ne valait plus la peine. Certains étaient même prêts à prendre les armes, à mourir pour elle.
Oui, il a suffi d’un reconfinement pour que, avec la violence d’un éclair, la librairie jusque-là repaire quasi-secret d’une poignée d’irréductibles se mue en un lieu de culte public.
Sommée de se claquemurer, la librairie a répandu dans le pays – et sur les réseaux sociaux, notamment – un autre virus : la librairie-mania. De marotte pour initiés, jugé un rien obsolète, la librairie est devenue comme par miracle une passion universelle et dévorante. La hype du moment. Avec sa soudaine horde de fans, la librairie est devenue presque aussi célébrée – entre larmes et fureur - que les Beatles à l’annonce de leur séparation. Beaucoup ont commenté avec sarcasme cette soudaine conversion : encore un mirage de notre société perfectionnée. Un ravage du narcissisme contemporain.
Et si c’était plus simple que cela : la faute à Platon et à Aristote ?
Borges note quelque part que le poète et critique Coleridge a affirmé que tous les hommes naissent platoniciens ou aristotéliciens (1). A savoir que nous aurions hérité génétiquement et sans même le savoir soit de l’idéalisme de Platon, soit du réalisme d’Aristote. Concernant la librairie, il semble pourtant que nous soyons un peu des deux. Ils sont tous deux in da place : Platon et Aristote dans la même librairie.
Platon d’abord, car nous avons tous – à des degrés divers, certes - un rêve de librairie ou une librairie rêvée. La librairie comme un lieu à part, hors des contingences terrestres, pour vivre de livres et d’eau fraîche. Un espace à part dans un temps à part. Un lieu où l’on peut passer du temps, perdre son temps. Un endroit où s’extraire du brouhaha et de la vitesse du monde, sans tomber pour autant dans le silence léthargique d’une bibliothèque ou liturgique d’une église.
Vous avez lu 25% de cet article...
Pour découvrir la suite, c'est très simple :