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La face cachée du livre-monde

Greg Rakozy OMpAz DN 9I Unsplash

Au fait, c'est quoi un livre-monde ? Forcément, c'est un gros livre. Comme "Guerre et Paix". A moins qu'au contraire ce ne soit finalement qu'un livre guère épais. Le docteur Paul Vacca vous emmène avec lui ausculter cette nouvelle mythologie littéraire du livre - monde !

Mythologie #4 : le Livre-Monde

Parmi les mythologies qui peuplent notre imaginaire des livres, il y a celle du Livre-Monde. Une mythologie puisque personne ne sait – pas même Google - ce qu’est précisément un livre-monde. Il n’existe, à notre connaissance tout du moins, aucune attestation, nomenclature ou homologation qui définirait ce qu’est un livre-monde. Or, comme pour les animaux mythologiques, tout aussi rétifs à l’indexation pointilleuse, nous sommes pourtant tous capables d’en citer un certain nombre et même d’en décrire comme on le ferait pour une Licorne, un Dragon, une Gorgone ou une Hydre…

Alors, il aura suffi d’une simple question sur le réseau de notre petit oiseau bleu mythologique (« Bonjour Twitter, quand on te parle de "Livre-Monde", tu penses à quel livre en particulier ? ») pour que se libère une joyeuse cohorte de livres-mondes :

DuneL’Odyssée d’Homère, la Chanson de Roland, Ulysse de James Joyce, la Montagne Magique de Thomas Mann, La Fondation d’Asimov, Dune de Franck Herbert, La Bible, Moby Dick de Melville, 2666 de Roberto Bolaño, Mrs Dalloway de Virginia Woolf, A la recherche du temps perdu de Proust, Le Seigneur des Anneaux de Tolkien, La Divine Comédie de Dante, L’Iliade d’Homère, Le Quatuor d’Alexandrie de Lawrence Durrell, Fictions de Borges, Cent ans de solitude de Garcia Marquez, Jérusalem d’Alan Moore, Don Quichotte de Cervantès, Cthulhu de Lovecraft, L’Infinie Comédie de David Foster Wallace, Harry Potter de J.K Rowling, L’Utopie de Thomas More, La Comédie Humaine de Balzac, L’Encyclopédie Universelle, L’Homme sans qualités de Musil, Portnoy et son complexe de Philip Roth, Les Géographies irrégulières de Pierre Gicquel, Héros et tombes de Ernesto Sabato, L’Ombre du vent de Carlos Ruiz Zafón, Les Furtifs d’Alain Damasio, Guerre et Paix de Tolstoï, Confiteor de Jaume Cabré, Zone de Mathias Enard…

Une cohorte dans laquelle on retrouve pêle-mêle toutes sortes de récits : ceux des origines du monde comme les livres sacrés les mythologies et légendes ; ceux qui arpentent le monde comme les Odyssées, les Encyclopédies ou les quêtes épiques ou picaresques ; ceux qui arrêtent la course du monde comme les Iliade ou les Désert des Tartares ; ceux qui inventent de nouveaux mondes comme la science-fiction, l’anticipation ou l’heroïc-fantasy ; ceux qui refont le monde comme les utopies ; ceux qui ressuscitent des mondes perdus comme Flaubert avec le Carthage de Salammbô ; ceux qui défont le monde avec les uchronies comme Civilizations de Laurent Binet ou Le Complot contre l’Amérique de Roth ; ceux qui dénoncent le monde comme les dystopies ; ceux qui jouent avec le monde comme L’Homme-Dé de Luke Rhinehart (nous vous en parlions ici), la Vie mode d’emploi de Georges Perec ou L’Anomalie d’Hervé Le Tellier ; ceux qui se foutent du monde comme Oblomov de Gontcharov ; ceux dont on se fait tout un monde comme Finnegans Wake de Joyce ; ceux qui ont l’amabilité de se signaler dès le titre comme Le Monde selon Garp de John Irving, le Traité du Tout-monde, d’Édouard Glissant, L’Arbre-Monde de Richard Powers, Le Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley, Le Monde de Narnia de C.S Lewis, Les Annales du Disque-monde de Terry Pratchett[1] ; sans compter la catégorie des ceux élus livres-mondes par Le Monde des Livres comme Cendrillon d’Eric Reinhardt par exemple. etc. etc. …

Il n'y pas de principe unificateur du livre-monde

Où l’on voit que la liste des livres-mondes prend elle-même des allures de livre-monde, aussi foutraque qu’une liste à la Prévert ou que celle que cite Borges [2]. Bien malin qui pourrait y trouver l’once d’un principe unificateur.