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La mécanique du concombre

Natalie Rhea Riggs OnAwTs0tu3k Unsplash

“Je serais désolé si on concluait de tout ce qui précède que je n’ai pas été un homme heureux. Ce serait là une erreur tout à fait regrettable. J’ai connu et je connais encore, dans ma vie, des bonheurs inouïs. Depuis mon enfance, par exemple, j’ai toujours aimé les concombres seuls et uniques, ceux qu’on appelle concombres à la russe. J’en ai toujours trouvé partout.
Souvent, je m’en achète une livre, je m’installe quelque part au soleil, au bord de la mer, ou n’importe où, sur un trottoir ou sur un banc, je mords dans mon concombre et me voilà complètement heureux.
Je reste là, au soleil, le cœur apaisé, en regardant les choses et les hommes d’un œil amical et je sais que la vie vaut vraiment la peine d’être vécue, que le bonheur est accessible, qu’il suffit simplement de trouver sa vocation profonde, et de se donner à ce qu’on aime avec un abandon total de soi”.
Peut-on trouver meilleure ode aux bonheurs simples ? Peut-on malgré notre intranquillité, notre insatisfaction, notre peur du lendemain, trouver une sagesse qui nous permette de passer outre et surtout surtout d’avancer avec le sourire sur les lèvres ?
Ces mots de Romain Gary dans “La promesse de l’aube” nous parlent, nous interpellent et nous invitent, alors que l’été s’amorce, à nous tourner vers la lumière, à accepter de la laisser entrer pour qu’elle nous réchauffe. Dans ce texte, Gary parle de l’individu, de sa capacité à décider à se laisser aller au bonheur. Clairement, et c’est aussi le sujet de l’excellent récit d’Adèle Van Reeth que nous rencontrons cette semaine, dans cette tâche, nous ne sommes pas tous égaux et certain (e)s savent mieux accepter la lumière que d’autres. C’est ainsi. Il en va de même pour le collectif. Pour la société. Pour le monde qui nous entoure.

Alors que nombreux sont celles et ceux qui nous montrent où la lumière peut se trouver pour mieux faire ensemble, nous préférons parfois rester dans les ténèbres ou alors dans une forme d’obscurité confortable. Humain, trop humain dirait l’autre. Il n’aurait pas forcément tort.
Mais, on pourrait aussi rétorquer que l’être humain est capable d’aller vers le bonheur collectif, vers le commun qui le meut et qui lui permet de se sentir heureux. “Cœur apaisé, en regardant les choses et les hommes d’un œil amical”. Le programme que Gary assigne à l’individu est aussi valable pour le collectif. En regardant l’Autre avec le cœur apaisé et non plus avec agressivité ou jalousie, on crée du commun. Idem avec l’œil amical. Avec nos masques, nous ne voyons plus que nos yeux. Créons des regards amicaux et collectifs. Des regards qui soignent a justement écrit Delphine Horvilleur.
Et si individuellement et collectivement nous profitions de cet été pour devenir “Garyen” pour réfléchir à nos vocations individuelles et collectives profondes pour pouvoir dès la rentrée se donner individuellement et collectivement à ce que nous aimons avec un abandon total de nous ? Je ne sais pas vous, mais moi, c’est ce que j’appellerais une réinvention digne de ce nom, non ?

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