“Auschwitz vibre de son épouvante”, écrit François Rachline dans son magnifique livre : “Éprouver Auschwitz”. Eprouver, c’est notamment ce que nous aurions du faire cette semaine avec les différentes commémorations, dont Yom Hashoah. Frédéric Potier a lu, faute de cérémonies, le livre superbe de François Rachline.
Chers amis d’Ernest,
Semaine un peu particulière placée sous le signe de la mémoire avec les cérémonies de Yom Hashoah le 20 avril (date correspondant au soulèvement du ghetto de Varsovie en 1943), du 24 avril pour la commémoration du génocide arménien et du 26 avril pour la journée nationale des victimes de la déportation… Chaque année nous nous réunissons en ces occasions émouvantes pour lire des noms de victimes ou déposer des gerbes. Telle ne fut pas le cas cette année même si plusieurs associations ou personnalités ont su organiser des moments de recueillement grâce à des outils numériques plus ou moins adaptés.
Faute de pouvoir se retrouver, on peut trouver matière à réflexion dans les livres évidemment. La Shoah, l’antisémitisme et les génocides du XXe siècle ont donné lieu à une très abondante littérature qu’elle soit de nature romanesque ou historique. En dépit des œuvres des grands auteurs devenus classiques comme Primo Lévi (Si c’est un homme), Hannah Arendt (Eichmann à Jérusalem), Jorge Semprun (L’écriture ou la vie) ou Elie Wiesel (La nuit), la nature du système génocidaire n’en finit pas de poser question. Et l’on revient des visites mémorielles organisées sur les lieux des massacres avec plus d’interrogations que de certitudes.
C’est justement le sens du petit ouvrage de François Rachline, « Éprouver Auschwitz », publié début 2020 par les éditions Hermann, dans lequel l’auteur cherche à mettre des mots sur les émotions, les réflexions et les questionnements qui sont venus à lui lors de sa première visite à Auschwitz-Birkenau il y a une vingtaine d’années en compagnie de son fils alors adolescent. Économiste et essayiste, fils de résistant, membre actif de la LICRA, François Rachline ne prétend pas écrire une nouvelle histoire de la Shoah mais plutôt partager avec le lecteur les questions qui le hantent. Écrit avec pudeur et beaucoup de justesse, ce petit livre a touché tous les gens qui l’ont parcouru.
Extraits : “Auschwitz se dérobe toujours. Ni les lectures, ni les enquêtes ne permettent de l’atteindre. Cette réalité fuit. Quand on croit en saisir une parcelle, une autre émerge des brumes pour dévoiler un petit bout d’un continent jusque-là ignoré. Impossible d’en finir avec Auschwitz” nous prévient d’emblée l’auteur. “Auschwitz porte en soi la négation de toute existence. Ce n’est pas un lieu de recueillement mais une indignité ineffaçable. Comme le génocide des Arméniens, des Tutsis ou des Cambodgiens sous le régime de Pol Pot. Une blessure infligée à l’humanité de l’homme. Nul autre endroit au monde ne vibre encore de l’épouvante qu’il contient”, écrit François Rachline en conclusion.
Tout est juste, précis et équilibré du premier mot jusqu’à la fin. A lire donc.
Sur un sujet voisin, l’historien Emmanuel Debono a sur son blog publié une série de 7 contributions sur l’utilisation du vocabulaire biologique et sanitaire dans le domaine du racisme et de l’antisémitisme. Il s’agit d’une plongée intellectuelle passionnante dans l’histoire des idées et des discours de haine que je vous recommande vivement. Une excellente piqûre de rappel sur l’usage et le sens des mots.