Premier épisode de notre saison 2 consacrée aux héroïnes de romans contemporains inspirantes (La saison 1 est là). Aujourd’hui nous vous présentons Modesta. Modesta est l’héroïne solaire du roman de Goliarda Sapienza “L’Art de la joie”. A lire et à relire. Comment une femme s’affranchit de tout pour grandir et vivre livre.
Modesta alias Mody est une femme complètement fascinante. Dans le roman – magnifique de Goliarda Sapienza L’Art de la joie – Mody est le double littéraire de l’autrice. Mody est une femme de la société italienne des années 50. Cette société où il est logique de culbuter la bonne ou d’abuser gentiment de son épouse. En revanche, Mody s’est toujours sentie différente et a toujours eu envie d’affirmer son désir de femme. Plein et entier. Désir d’être l’égale des hommes mais aussi désir sexuel et désir de réussite dans la vie. Au fond, Mody est une femme qui ne s’en laisse pas compter et qui va – en cultivant l’Art de la joie – vivre sa vie et s’affranchir de toutes les injonctions qui lui sont faites.
Modesta est une femme au franc-parler sans pareil. Victime d’agressions sexuelles qui ouvrent le roman, elle aurait pu sombrer. Au contraire, elle devient plus solaire encore. Plus amoureuse. Plus aimante. Ce personnage de Modesta est tellement fort et inspirant qu’il tient à lui seul le livre dense de Goliarda Sapienza. Modesta est un kaléidoscope de femmes qui décide de vivre toutes ses vies et d’en inventer toujours de nouvelles. Fidèle au précepte de Shakespeare selon lequel “un homme (ou une femme, NDLR) qui ne s’alimente pas de ses rêves vieillit vite”. Aussi Modesta est passionnée, sensuelle, libre, bisexuelle, indignée, impliquée, maternelle, généreuse, mais aussi narcissique et parfois manipulatrice. Cette Mody est une femme qui nous emmène très loin dans la recherche de la liberté, de l’affirmation de soi et dans la possibilité d’être multiples.
Mody est une source d’inspiration intense pour quiconque – homme ou femme – cherche à s’améliorer et à devenir. Un proverbe dit “je serai ce que je serai”. C’est tout à fait cela que fait Mody. Découvrez là. Elle vous inspirera. C’est évident.
Extraits:
Tu as deux petites virgules aux commissures des lèvres, Jo. Ou se sont deux parenthèses ?
-Ce sont deux rides, Modesta.
– ce n’est pas vrai ! Ce sont deux parenthèses qui ajoutent du sens à la phrase de ton visage.
« Il est temps de se remuer, de lutter de tous ses muscles et de toutes ses pensées dans cette partie d’échecs avec la Certa qui attend. Et chaque année volée, gagnée, chaque heure arrachée à l’échiquier du temps, devient éternelle dans cette partie finale. Réfléchis, Modesta, peut-être que vieillir de façon différente n’est qu’un acte révolutionnaire de plus… »
« Non, on ne peut communiquer à personne cette plénitude de joie que donne l’excitation vitale de défier le temps à deux, d’être partenaires dans l’art de le dilater, en le vivant le plus intensément possible avant que ne sonne l’heure de la dernière aventure. Et si cet homme – mon vieux petit ami – s’étend sur moi avec son beau corps lourd et léger, et me prend comme il le fait maintenant, ou me baise entre les jambes comme Tuzzu le faisait autrefois, je me retrouve à penser bizarrement que la mort ne sera peut-être qu’un orgasme aussi comblant que celui-là »
Dialogue entre mère Léonora (une religieuse) et Modesta.
– Que de livres, ma mère ! Vous les avez tous lus ?
– Mais que dis-tu, petite folle ! J’ai étudié, oui, je sais quelques petites choses, mais je ne suis pas une savante. Seuls les docteurs de l’église ont tous le savoir du monde dans leurs mains.
– Moi aussi je deviendrai une savante !
– Folle que tu es ! Et à quoi cela te servirai-t-il, quand tu es une femme ? La femme ne peut jamais parvenir au savoir de l’homme.