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Rentrée littéraire : quand les lecteurs disent l’ennui

Annie Spratt

Une lecture est une rencontre entre un livre et son lecteur. Mais quand cette rencontre tourne mal, le liseur s’interroge : stop ou encore ? Les passionnés nous disent tout.

Très jeune, on apprend à toujours finir son assiette sous peine d'être privé de desserts. Depuis, la mauvaise conscience nous taraude quand on n’engloutit pas tout ce qu’elle contient. Est-ce ce même sentiment qui envahit le cœur du lecteur qui n’achève pas son livre ? L’échec est encore plus patent quand ce livre a été chaudement recommandé par un proche. Ou même offert par un ami. On se le reproche d’autant plus quand il s’agit d’un monument littéraire, d'un ouvrage qu’il faut « avoir lu ». Mais  rien n’y fait : paupières lourdes, pertes d’attention, relecture successive des mêmes passages… Le livre nous tombe littéralement des mains. Force est de constater que dans ce cas, l'ennui, soit on l’affronte, soit on lui cède.

Pennac et ses commandements

Per-sé-vé-rer : telle est la réponse d’une première catégorie de lecteurs. Abandonner en cours de livre ? C’est assimilable à une défaite personnelle. Pire, c’est un manque de respect pour l’auteur. Pierre est l’un de ces jusqu’au-boutistes. Sa démarche pourrait sembler scolaire, mais reconnaissons qu’elle témoigne d’un sens de l’engagement. Et cette persévérance peut payer : « Même si le début est barbant, on se dit que ça peut se réveiller par la suite », avance Pierre. Pourtant, il l’avoue lui-même, ces réveils sont rarissimes. Et les défauts patents du texte, son style boursoufflé comme peut "l'être celui de Yann Moix par exemple" est alors omniprésent.

D’autres lecteurs sont moins travaillés par la culpabilité. « Je suis sans pitié : si je n’accroche pas, j’arrête tout de suite, avoue froidement Lucile.  J’ai ma vie de famille, j’ai mon travail et d’autres livres qui m’attendent ». Toutefois, ajoute-t-elle : "je nourris malgré tout une rancœur contre celui ou celle qui me l'a conseillé. Surtout si c'est un média". Les plus grands lecteurs sont souvent les plus implacables. Rien d’illogique : ces amoureux de la lecture n’ont pas de temps à perdre avec des livres qui ne les satisfont pas. La lecture doit rimer avec plaisir.