6 min

Les 5 livres pour l’été à glisser dans votre valise

ernest-summer-books

Tout au long de l’année, chaque vendredi, l’équipe d’Ernest vous a proposé un livre de la semaine. Au moment de boucler votre valise, on vous aide à faire le choix avec cinq de ces livres du vendredi. Au menu : un polar, une fresque contemporaine, un roman épistolaire puissant, un livre désopilant et une variation sur nos désordres amoureux. De quoi passer un bel été !

Patrice Guirao – Le bûcher de Moorea

Guirao Ernest VendrediQuestion à 1000 points pour ce vendredi. Comment passer un week-end de lecture renversant avec un livre qui mêle écriture au cordeau, noirceur et lumière, paysages féériques et intrigue puissante ? Réponse : Lire le Bûcher de Moorea de Patrice Guirao paru chez Robert Lafont aux Editions La Bête Noire. Le pitch est le suivant : Nous sommes à Moorea. Lilith est photographe de presse. Maema est  journaliste. Elles sont collègues à la Dépêche de Tahiti, le quotidien local. Et elles sont aussi amies. Un jour leur vie change. Elles sont envoyées sur une scène de crime particulièrement sordide, plusieurs corps ont été incinérés après avoir été démembrés dans un macabre simulacre de bûcher funéraire. Plus rien ne sera pareil.

Un roman noir azur puissant

Une terrible enquête qui mêle noirceur et luminosité se met alors en place. Les deux héroïnes sont malmenées par les évènements mais sont superbement bien écrites par l’auteur. L’île de Moorea et la vie tahitienne sont également des personnages à part entière de ce roman d’un genre nouveau qui sait entremêler l’enfouissement de la tête du lecteur dans la noirceur tout en l’éblouissant d’une lumière fantastique. Ce contraste saisissant entre la dureté des mots et la capacité de l’auteur à nous emmener avec lui et à nous dévoiler les zones lumineuses de l’enquête mais par delà même celles des spécificités humaines est l’une des belles réussites de ce livre choc et coup de poing qu’il convient de lire absolument pour passer un été noir azur. Noir Azur ? Oui c’est le nom du genre inventé par Patrice Guirao. Il en a même écrit un manifeste qui dit ceci. « Le roman « noir azur » est une alternative. Il ne suffit donc pas que le roman noir s’inscrive dans un cadre insulaire tropical pour qu’il devienne « noir azur ». Il faut qu’il s’imprègne de l’essence de la vie et des pulsations des forces naturelles en présence dans cette partie du monde. On doit y entendre les bruits de l’océan et les silences des lagons, y voir les couleurs qui chatoient et l’immensité des petites choses, la fragilité et la tendresse, comme la puissance et la violence contenues. » Beau programme. A ne rater sous aucun prétexte.

La partition – Diane Brasseur

Ernest BrasseurSuivre un auteur. Le faire grandir. L’accompagner dans les choix d’écriture. C’est le rôle d’un éditeur. C’est ce que fait avec maestria Allary Editions avec Diane Brasseur qui a publié son premier roman dans cette maison à peine née, il y a cinq ans. Avec ce troisième livre, l’auteure a gagné en puissance, en maturité, sans perdre la force de son style. Ce qu’il y a de puissant dans l’écriture de Diane Brasseur (Les Fidélités, Je ne veux pas d’une passion), c’est qu’elle parvient toujours avec des mots simples et ciselés à emporter le lecteur dans un tourbillon de sensations et de sentiments amples et foisonnants.

Un livre passionnant qui touche au cœur

Un matin d’hiver 1977, Bruno K, professeur de littérature admiré par ses étudiants, se promène dans les rues de Genève. Alors qu’il devise silencieusement sur les jambes d’une jolie brune qui le précède, il s’écroule, mort. Quand ses deux frères Georgely et Alexakis apprennent la nouvelle, un espoir fou s’évanouit. Le soir même, ils auraient dû se retrouver au Victoria Hall à l’occasion d’un récital de violon d’Alexakis. Pour la première fois, la musique allait les réunir. Voilà ce que nous dit la 4e de couverture du roman.

Ce qu’elle ne nous dit pas c’est la puissance évocatrice de Diane Brasseur pour dire la perte des frères, pour dire la recherche d’une identité fracassée par une séparation précoce, pour dire la construction de l’être parfois seul, parfois avec d’autres. Ce qu’elle ne dit pas non plus, c’est la justesse de la description des sentiments d’amour, de haine, de désespoir, mais aussi d’espoir qui traversent cette famille si signulière. Ce qu’elle ne dit toujours pas, c’est aussi la sensation intense du lecteur qui tel un enquêteur découvre peu à peu les maux et les lumière de cette famille. Ce qu’elle ne dit enfin pas (quoique la couverture pourrait nous mettre sur la voie) c’est la dimension solaire et sublime du personnage de la mère. Un portrait de femme d’une facture littéraire impressionnante. Bref, Diane Brasseur est une orfèvre des mots. Cette lecture le prouve encore une fois. Et on fait le pari que vous conseillerez ce livre à plus d’un ami qui vous demandera quoi lire cet été. Ne pas en dire plus ici est un choix délibéré. Pour ne pas risquer de dévoiler les enchevêtrements de cette famille complexe et attachante. Vous aurez lu ici que ce livre est l’un des romans de l’été.

Comme elle l’imagine – Stéphanie Dupays

Ernest DupaysAutant le dire d’emblée, au moment de se plonger dans ce livre de Stéphanie Dupays qui nous avait gratifié, il y a quelques années d’un très bon premier roman « Brillante », nous n’étions pas vraiment emballés par le pitch. Nous ne croyions pas à l’histoire d’amour virtuel de cette femme, Laure, avec Vincent. Nous trouvions que le sujet de l’amour vu par le prisme des réseaux sociaux et des SMS avait déjà été abordé.  Et la couverture hideuse du livre n’aidait pas non plus. Et puis, lecture faisant, nous sommes petit à petit entré dans le livre. Il est bien écrit. Avec distance, humour, provocation et rempli de jolies références culturelles. Au final, la passion frénétique de Laure pour son amoureux virtuel d’abord, puis intermittent du spectacle ensuite nous a captivé.

Une auscultation minutieuse et addictive de nos comportements sociaux

Au fond, ce « comme elle l’imagine » de Stéphanie Dupays est tout sauf une histoire d’amour. C’est une réflexion profonde sur ce que la vision des images des autres peut provoquer chez chacun de nous. C’est une auscultation minutieuse de la place que ces réseaux sociaux, comme Instagram et Facebook, peuvent prendre dans les moments de solitude et de fragilité et de la façon dont leurs mécanismes – bien loin de soigner ou guérir – amplifient le sentiment d’inutilité. Cette lecture n’est pas sans rappeler celle de « Celle que vous croyez » de Camille Laurens. Chez Laurens, l’héroïne partait à la dérive. Chez Dupays, elle s’accroche à l’art, à la littérature et surtout à la vie. Ce roman qui n’était pas attirant au départ devient ainsi une réelle addiction et une ode à la raison salutaire dans ce monde virtuel où les images nous tuent à petit feu. En refermant ce roman dense et par moments effrayant, on a envie d’aller voir ses potes, en vrai. Et aussi de relire les magnifiques lettres de Mitterrand à Anne Pingeot. Nous vous en parlions ici. Une réussite !

Des Fleurs dans le vent – Sonia Ristic

Ernest RisticEt si la découverte littéraire était infinie ? Une nouvelle fois ce syndrome bien connu de tous les lecteurs du surgissement d’une pépite qui chamboule, qui excite, qui change un regard et qui reste longtemps a saisi l’équipe d’Ernest. La pépite en question porte un titre poétique : « Des fleurs dans le vent », elle a été imaginée par l’excellente Sonia Ristic et publiée par la maison indépendante « Les éditions intervalles ». Intervalle. Joli nom de maison d’édition pour un roman qui prend les intervalles, ces endroits qui ouvrent des brèches et font jaillir de la lumière.  Le pitch du livre est simple : l’histoire raconte les aventures de la « créature emmêlée à trois têtes ». Cette créature, ce sont trois enfants qui vivent dans le quartier de Barbès. Leur parcours démarre en 1981 alors que la France fête la victoire de François Mitterrand à l’élection présidentielle. Elle s’étire ensuite jusqu’en 2007. Entre temps, les trois enfants – amis fidèles – grandissent. Prennent des chemins différents, font tout pour sortir de leur condition d’enfants de la classe ouvrière.

Un roman qui bouleverse et qui reste longtemps

Ce roman subtil, fin, intelligent, drôle et profond raconte la vie de ces trois personnages. Mais aussi les rencontres, les chemins de traverse, les réussites et les erreurs de la vie. Ce roman touchant et émouvant est un livre vivant, rempli d’une énergie qui fait avancer l’homme même dans l’adversité. Le propos est servi par une écriture au cordeau, tranchante et entraînante. Sonia Ristic signe ainsi un roman choral, fresque contemporaine sur l’amitié, sur le monde, sur la société, sur la jeunesse envolée, sur le sens de l’existence et sur ce que nous en retenons au final. On referme le bouquin à regret tant Summer, Douma et JC – les trois amis – sont touchants dans leur façon de se mouvoir dans la vie. Sonia Ristic réussit ainsi la prouesse de faire d’un roman générationnel (80-90) un roman universel sur les choix, les possibles et les impossibles. Avec « des fleurs dans le vent », Sonia Ristic a remporté fin 2018, le prix « Hors Concours » ( le prix de l’édition qui n’a pas de prix). D’ailleurs après avoir adoré ce roman, Ernest a décidé de devenir partenaire de ce prix qui permet de découvrir des livres exquis édités par des indépendants et qui, eux, prennent le risque de défendre une littérature différente et ambitieuse ! Il était logique que le seul média littéraire indépendant s’y associe.

Lisez ce livre de Sonia Ristic !

Le Discours – Fabrice Caro

Ernest Mag FabcaroFabrice Caro est connu pour ses bandes-dessinées savoureuses dans lesquelles il croque notamment avec malice et acuité les affres de la vie de couple ou de la vie tout court. Du dessin aux mots, il n’y a qu’un pas et Fabcaro le franchit avec brio dans son roman hilarant et savoureux « le discours » paru aux Editions Gallimard dans la collection Sygne.

Adrien est invité chez sa soeur pour un diner familial quand soudain son beau-frère lui lance : « tu sais, ça ferait très plaisir à ta soeur si tu faisais un petit discours le jour de la cérémonie ». Evidemment, Adrien ne parvient pas à dire non. Problème : il n’a pas du tout envie de le faire et il a plein d’autres problèmes en tête. Et notamment un SMS envoyé à Sonia, son ex, à 17h24 et lu à 17h56, mais demeuré sans réponse. Fabrice Caro transporte son lecteur dans la tête d’Adrien.

Faire de la mélancolie une hilarité

Il nous transporte aussi avec tendresse et acidité dans les errements de chacune des familles. Chacun et chacune pourra se retrouver dans les descriptions hilarantes et drôlatiques des petites manies de chacun, des cadeaux répétitifs offerts par unetelle ou dans les sempiternelles anecdotes qui reviennent à chaque repas. Fabrice Caro manie la dérision et l’humour avec une intelligence rare. Son livre est un régal pour les zygomatiques. Si cela ne vous fait pas rire dès la première page, c’est que vous êtes définitivement perdu. Un livre qui va vous faire le plus grand bien. Il y a du Woody Allen dans les mots de Fabrice Caro. Un livre qui a le talent rare de transformer la mélancolie en hilarité. A lire d’urgence !

Laisser un commentaire