Alors que l’équipe de France de football entame sa coupe du monde samedi et que les commémorations de la victoire de 1998 vont bon train, une autre équipe de France était en lice, samedi 10 juin. Celle des écrivains. Contre les Anglais. Et face aux écrivains anglais si prolifiques sur le côté romanesque du sport en général et du football en particulier, les écrivains français n’ont pas perdu une plume et se sont même offert le luxe d’une victoire rang contre les rosbifs. De quoi se remettre de deux défaites cuisantes contre l’Allemagne.
Un choc Dickens – Flaubert en maillot et en short. L’une anglaise, l’autre française, deux équipes atypiques de football se sont affrontées le 10 juin au stade Bauer (Saint-Ouen – 93), sous l’arbitrage du Red Star. Atypiques parce qu’un seul critère est requis pour l’intégrer : être écrivain. Et peu importe le sexe : les Anglais comptent ainsi deux filles dans leurs rangs.
Sur le trajet menant au stade, une image remonte à l’esprit : le match des philosophes Allemagne – Grèce. Les Monty Python avaient imaginé une improbable rencontre entre Héraclite, Aristote ou Platon d’un côté, et Marx, Schiller ou Heidegger de l’autre. Passant l’essentiel du match à s’interroger et à douter, personne en touche au ballon. Archimède finit par hurler « Eurêka » à la dernière minute, bondit sur la balle qu’il passe à Socrate qui marque le but de la victoire pour les Grecs.
https://www.youtube.com/watch?v=ur5fGSBsfq8Ce match d’écrivains allait-il être un remake en version 2018 ? Les joueurs allaient-ils se jeter des calembours à la figure ? Ou bien se retrouveraient-ils assis en tailleur, formant en cercle au centre du terrain, à se réciter des poèmes ? Honni soit qui mal y pense ! Au contraire. Dans ce match, la préciosité aurait été tout sauf un atout. Les écrivains n’ont pas enfilé leurs crampons pour faire de la figuration, mais bien pour gagner. Dribles, passes, frappes, têtes, marquage… ils ont mouillé le maillot jusqu’à plus soif. Et pour cause : Français ou Anglais, ils avaient chacun des couleurs à défendre.
Ce match n’était pas dénué d’enjeu pour l’équipe de France. En deux ans d’existence, il s’agissait de sa deuxième rencontre internationale. Lors de la première, ils avaient affronté l’Allemagne. Et perdu à l’aller et au retour. Mais en ce 10 juin, certains murmuraient que la victoire face aux Anglais serait facile. Les commentateurs énuméraient les atouts dont les Bleus disposaient dans la manche : match à domicile et effectifs plus importants (18 chez les froggies contre 12 chez les rosbifs). Sans parler qu’elle compte parmi ses joueurs un ancien footballeur professionnel, Jimmy Adjovi-Boco, qui a joué à Lens et a été l’entraîneur de l’équipe du Bénin ! Et les Anglais, comment abordent-ils le match ? Ils ont des « allures dégingandées » : c’est ce murmurent les Français ! Galvanisés par ces auspices favorables, les Bleus arrivent une heure avant l’équipe anglaise pour s’échauffer.
In extremis
En première mi-temps, conformément à leurs prévisions, les Français dominent. La balle, ce sont eux qui la tâtent le plus
souvent. Mais la défense anglaise tient bon et les Bleus se heurtent à un vrai Mur de l’Atlantique. Par trois fois, le gardien anglais repousse leur tir. L’équipe de France reste cependant confiante. Une confiance qui s’effrite quand les Anglais se hasardent dans une offensive. Qui les mène à marquer le premier but !
Abordant la deuxième mi-temps menés 1-0, les Français se démultiplient sur le terrain. Mais le temps s’écoule et les occasions ne se concrétisent pas… Certaines mines se défont. L’entraîneur, Jimmy Adjovi-Boco, s’adresse alors à une équipe qui semble se laisser gagner par le sentiment d’une possible défaite. Il les harangue : « vous devez encore y croire! » Un cri auquel les Bleus ne sont pas restés sourds puisque Baptiste Fillon marque le premier but à la 78ème minute, permettant l’égalisation. On s’approche de l’issue de la rencontre et l’idée d’un probable match nul s’impose. Le manager de l’équipe, Jean-Max Mayer, tente déjà de voir le côté positif : « une non défaite serait déjà formidable après les deux échecs face aux Allemands. » Mais à cinq minutes du sifflet final, le Français Brice Christen, tel Socrate, marque à nouveau, arrachant pour de bon la victoire aux Anglais. Ceux-ci encaissent. Et songent d’ores et déjà au match retour. Avec flegme, comme toujours.
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