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Héroïnes inspirantes #5 – Céleste

Ernest Mag Celeste Amours2

Cinquième épisode de notre série sur les héroïnes de romans inspirantes pour les femmes d’aujourd’hui et de demain. L’élue du jour est Céleste. La femme de chambre émouvante du superbe roman de Leonor de Recondo “Amours”, paru chez Sabine Weispieser et disponible également en Points Seuil. Céleste est une femme fantastique. Tout est contre elle, mais elle n’abandonne jamais. Sublime !

 Ernest Mag AmoursCéleste n’est pas une femme d’aujourd’hui. Elle est femme de chambre. Elle vit en 1908 dans une demeure cossue du Cher. Ses patrons ce sont Anselme et Victoire. Anselme est notaire. Anselme est un salaud. Anselme abuse Céleste dès que Victoire rejoint les bras de Morphée. Anselme met Céleste enceinte. Pour éviter le scandale, les patrons décident de garder l’enfant et de faire croire qu’il est celui de Victoire.

Céleste d’hier et d’aujourd’hui

Une nouvelle histoire commence. Victoire sait qui est Anselme. Et surtout Victoire découvre Céleste cette femme digne, loyale et tellement douce avec son enfant. Céleste, elle continue d’avancer et de “construire” sa vie. Les deux femmes se rapprochent. Tellement qu’elles vont s’aimer. Platoniquement d’abord, puis charnellement en cachette, la nuit. Cette découverte amoureuse, charnelle et saphique est une libération tant pour Céleste que pour Victoire. En vivant ce désir, elles sont vivantes. En allant contre les conventions et la bienséance, elles existent. En s’aimant, elles dament le pion à ces hommes si vils et si lâches.
Céleste est une femme fantastique. Alors que tout est contre elle elle continue de vivre, d’avancer, de chercher la beauté des choses et même d’aimer. Sa révolte, ainsi que celle de Victoire qui en a assez d’être à la botte d’Anselme, n’est pas sans rappeler celle des bonnes de Jean Genet. Les fusils étant ici remplacés par les corps. Cette femme est une combattante. Cette femme est une femme du début du 20ème siècle, mais ce qu’elle vit et ce qu’elle décide de faire est d’une modernité puissante. Son combat est le notre, celui des hommes et des femmes d’aujourd’hui. Un combat pour la fin de la servitude, pour la reconnaissance des violences, mais aussi pour un désir libre et sans jugement.
Extraits du livre qui en disent, un peu plus, sur Céleste

“L’amour est là, où il ne devrait pas être, au deuxième étage de cette maison cossue, protégé par la pierre de tuffeau et ses ardoises trop bien alignées, protégé par cette pensée bourgeoise qui jusque là les contraignaient, et qui, maintenant leur offre un écrin. Point de velours cramoisi, point d’alcôve confortable, mais un lit de fer et une couverture de laine qui leur gratte la peau. L’éblouissement à portée de doigts et de langues.”

“Mon cœur a glissé dans ton corps. Je te touche et c’est moi que je caresse, lui murmure Victoire quand elle la pénètre de ses doigts.”

“Dans le vestibule qui le mène à son étude, Anselme croise Céleste, qui baisse aussitôt les yeux. Il ne la salue pas, elle n’existe pas. La bonne ne prend vie que de brefs instants. Tous les trois mois environ, quand une envie irrépressible le pousse à monter quatre à quatre les escaliers jusqu’à la petite chambre, jusqu’au petit lit en fer, pour serrer et tirer le chignon jusqu’à en jouir.”

“Céleste, plongée dans une multitude d’émotions inconnues jusque-là, réalise qu’elle a un corps. Cette découverte est purement sensorielle. Aucune idée, aucun concept dans cela. Juste une certitude : ce corps est là, il embrasse la vie, la donne, l’insuffle. Il est d’une puissance vertigineuse. Ce corps toujours nié, uniquement utilisé pour les corvées de la vie courante – souvent celle des autres -, prend une dimension nouvelle.”

“Une femme libre? Mais, ma chérie, ne l’es-tu pas déjà? Ta liberté tient-elle à une robe ?”

“Où est donc cette vie rêvée ? Cet accomplissement total promis à toutes les femmes ? De quelle tare est-elle affublée ? Pourquoi n’y arrive-t-elle pas ? Elle qui pensait qu’il suffirait de le regarder pour l’aimer. Non, elle le regarde pleurer, et le sentiment qu’elle éprouve est de l’indifférence. Une indifférence telle qu’au bout d’un moment elle n’entend plus les cris, et le calme surgit enfin. Un calme qui la mène loin des autres, loin de cette chambre, de tous, de tout.”

“Céleste d’apprête à regarder au plus profond de son être. Elle plonge dans l’abîme de son corps pour y puiser une force sauvage, qui est là depuis toujours, qui attendait l’instant. Et l’instant est maintenant. Céleste pousse de toutes ses forces la vie hors d’elle. Point de rideaux, point d’enfants curieux. Un silence qui se fraie dans son âme. Le silence qui précède la vie, le même, exactement le même que celui qui précède la mort, celui de l’être, de la pleine conscience. Céleste, accompagnée de sa force insoupçonnée et du silence originel donne la vie. Et le cri qui la déchire n’est pas le sien, mais celui de son enfant. A peine né.”

Toutes nos héroïnes inspirantes sont ici.

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