Opération colonnes ouvertes toujours. Emmanuelle Coutant, deuxième. Emmanuelle est tombée sous le charme du livre d’Evelyne Pisier et Caroline Laurent. Une ode au féminisme et à la liberté. Sublime et plébiscité par les libraires.
Par Emmanuelle Coutant
Il y a des femmes qui transforment leurs combats personnels en avancées universelles, qui en ouvrant la voie à leur fille l’ouvrent à toute la génération suivante. Parce qu’elle s’est révoltée contre son statut social (bourgeoise, femme de colon en Indochine), parce qu’elle a appris à conduire pour conquérir son autonomie, parce qu’elle a divorcé dans les années 50 et parce qu’elle a interdit à sa fille d’apprendre à faire la cuisine et le ménage, la mère d’Evelyne Pisier lui a permis d’être ce qu’elle a été.
Evelyne Pisier avait décidé de raconter son histoire et celle de sa mère en compagnie de son éditrice Caroline Laurent. Malheureusement, Evelyne décède avant l’achèvement du livre mais elle fait promettre à Caroline de finir sans elle, avec leurs échanges et les fragments déjà écrits.
Cette dernière fera mieux. Avec un profond respect et toute l’amitié qu’elle portait à Evelyne le roman, car s’en est un, deviendra une magnifique ode à l’amitié et un hommage de notre génération à ces femmes qui ont lutté pour l’avortement et défilé sans soutien gorge.
Un exercice à 4 mains qui donne une profondeur, une dimension toute particulière à l’histoire. Caroline Laurent comble les vides qu’Evelyne n’a pas eu le temps de combler, en toute honnêteté et ajoute certains chapitres pour nous livrer leur amitié intergénérationnelle et ses propres réflexions sur certains épisodes de la vie d’Evelyne.
Et quelle vie ! Engagée très jeune et dotée d’une forte conscience politique (portée par l’époque de mai 68), Evelyne Pisier fera des rencontres incroyables (Fidèle Castro à Cuba, Bernard Kouchner jeune médecin engagé avec qui elle aura trois enfants) qui fait du livre un témoignage bien particulier sur son époque. Elle sera également une des premières femmes agrégées de droit public et de sciences politiques enseignante à l’IEP dés 1972.
Bref on n’en ressort pas indemne. Une lecture à recommander vivement.
Extrait : « Que peut la littérature face à l’absolu du vide ? Quel est ce plein dont elle prétend nous combler ? J’ai beau travailler dans les mots, autour des mots, entre les mots, je n’ai pas la réponse. Vivre une autre vie, donner du rêve, faire rire et pleurer, laisser une trace, peindre le monde, poser des questions, ressusciter les morts, voilà le rôle des livres, dit-on.
Offrir la consolation de la beauté. C’est peu ; c’est immense. Evelyne est morte. Tout le roman vient d’elle, comme l’enfant vient de la mère, et pourtant elle ne le verra pas. C’est une injustice inexplicable. »
Tous les coups de coeur des Ernestiennes et des Ernestiens. Colonnes ouvertes. Envoyez vos textes à : info@ernestmag.fr