Au lendemain de la remise du prix Goncourt, Alex Vizorek profitait de sa chronique humoristique hebdomadaire dans la matinale de France Inter pour se moquer gentiment des artistes maudits qui “n’ont jamais de prix à cause du copinage des jurys”. Harold de Saint-Désir étant ce génie incompris. L’occasion était belle d’aller le rencontrer pour lui faire parler de son rapport aux livres. Un rapport à la fois “compulsif” et “pitoyable”. Rencontre à tous les degrés.
Pourquoi cette volonté de passer de l’éphémère de la chronique radio à cette idée de la graver dans « le marbre » avec un livre ?
Alex Vizorek : La prétention du livre existe. Elle est réelle et elle m’angoissait un peu au début. Moi j’écris modestement pour l’éphémère et la radio. C’est fait pour disparaître. Un éditeur est venu me voir pour me proposer de faire ce livre avec quatre ans de boulot et de chroniques. En fait, je me suis bien attelé et bien amusé à sélectionner ce qui était plus intemporel, virer ce qui nous ramenait à un autre temps. De fait, le retravail a été passionnant car l’écriture avec les codes de radio ne collaient pas à celle du livre. L’ajout de cette fois-ci ce sont les brèves. Des textes courts que l’on peut lire aux toilettes ! (Rires). Et aussi les dessins de mes amis belges.
Quel lecteur êtes-vous ? Compulsif ? Occasionnel ?
En ce moment, vraiment, je dois confesser que je suis simplement un lecteur pitoyable !
Pitoyable carrément ? Mais pourquoi ?
Parce que je n’arrive pas à lire trois pages avant de m’endormir. Je ne le conçois pas. Donc quand j’achète un livre, j’ai besoin de m’assoir une heure, de mettre mon téléphone de côté, et de prendre simplement le temps de me plonger dans une histoire. Or, en ce moment, je n’y arrive pas du tout. Mais je gère plutôt le théâtre, Charline s’occupe plutôt des livres. Et puis je lis lentement. Je me dis aussi qu’il est bête de perdre du temps à lire certains mauvais romans d’aujourd’hui tant que tu n’as pas lu tout Balzac.
De plus, quand j’étais au Cours Florent, je lisais beaucoup de théâtre. Et cela a influencé certainement ma méthode de lecture. J’ai besoin d’entendre les textes. J’ai besoin d’avoir une musique.
Et donc, le rapport aux livres ?
Toute l’année j’empile des livres à la rédaction. Je vais aussi en librairie. Et l’été, je me plonge dedans. Je sais que l’été prochain ou peut-être aux prochaines vacances, je lirai le Olivier Guez, parce que le thème m’interpelle et que des amis en qui j’ai confiance m’en ont vanté les mérites.
Mais au fond, je m’en veux de cette lecture boulimique et pas continue. Je suis dans une phase paradoxale de ma vie. J’ai l’occasion d’engranger beaucoup de choses professionnellement. C’est un beau moment. Mais cela me détourne d’autre chose. J’aimerais de temps à autre prendre le temps de rattraper mon époque, mes lacunes et mes référents oubliés.
Quand tu te plonges dans les livres, que lis-tu ?
Deux choses sont quasiment exclues : la science fiction et les essais politiques. Les essais politiques, il y a toujours les bonnes feuilles dans la presse. Et sur la science-fiction, je ne suis pas client. Harry Potter, le seigneurs des anneaux, Farenheit 451 tout cela me tombe des mains.
Sur le reste, je suis assez exigeant et – vraiment – je me fie aux conseils de mes amis. Il faut que l’on me dise que c’est un très bon livre ou un livre qui va me plaire. Après, je lis beaucoup de classiques. J’en achète fréquemment en livre de poche. Je lis également beaucoup de pièces de théâtre.
Tu reviens beaucoup au théâtre. Aurais-tu envie – au-delà de tes spectacles – d’écrire une pièce de théâtre ?
Absolument. C’est une réelle envie. La contrebasse de Suskind est une forme de modèle pour moi. On est pas loin d’un long sketch et en même temps dans une tragédie profonde. J’aime beaucoup cette forme hybride.
Après, il ne faut pas écrire pour écrire sur sa « voisine qui suce des cornets de glace »… Quelque chose entre la force des sentiments de Musset et la force comique de Labiche, ce serait super. Mais j’en suis loin. Michalik a réinventé le langage théâtral, mais cela manque d’humour à mon goût.
Dans les livres que tu lis, cherches-tu aussi cette dimension humoristique ?
Pas du tout. Le dernier Sorj Chalandon est sublime. J’aime ce genre de littérature. C’est presque même l’inverse. Si j’écrivais, je crois que l’on attendrait ça de moi. En revanche, quand je « consomme » de l’art ou de la littérature je ne le recherche pas.
“Au final, je lis beaucoup de classiques. C’est mon côté conservateur”
Humoriste, et belge, forcement, je vais te demander si tu lis de la bande-dessinée ?
Je travaille actuellement sur un gros dossier BD pour écrire le scénario d’une BD, mais je ne peux pas trop en parler pour l’instant. Du coup, oui je lis beaucoup de BD. Je ne suis pas un lecteur compulsif, mais j’adore ça. Je suis dans les classiques, là encore. Malheureusement, je n’ai pas encore lu la BD de Jade Forêt. Je pense que je suis passé à côté de quelque chose (rires…)
Où lis-tu le plus ? Dans ton lit ? Dans les toilettes ? Dans le train ?
Je déteste aller aux toilettes sans avoir quelque chose à lire. Toute ma jeunesse je laissais traîner le petit Larousse illustré dans les WC. Je connaissais très bien l’édition 1993 dans la partie noms propres. Sinon, je lis énormément dans le train.
Retrouvez le questionnaire décalé d’Alex Vizorek