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Le bel incandescent

Le Livre Du Vendredi Twitter 1000x500(2)

Emma Becker, depuis ses débuts, a toujours su capturer l’essence de l’intime avec une franchise désarmante. Ernest, qui fut l’un des premiers à la révéler, avait déjà perçu ce talent rare chez elle : cette capacité à explorer sans tabou les relations humaines, le sexe, et les émotions contradictoires qui nous habitent. Dans Le Mal joli, Becker continue cette exploration, en livrant un récit d’une beauté brute sur l’amour, la passion et la dépendance.

Le livre raconte la relation adultère entre Emma, l’héroïne et narratrice, et Antonin, un écrivain issu d’un milieu social bien plus élevé. Leur histoire se déploie à travers trois saisons — le printemps, l’été et l’automne — où la passion brûlante se mêle à la douleur et à la culpabilité. Au cœur de cette aventure amoureuse, Becker nous plonge dans les affres de la dépendance émotionnelle et physique. « Chaque étreinte nous rapprochait un peu plus du gouffre, mais c’était une chute à laquelle on ne pouvait renoncer », écrit-elle, résumant ainsi la dynamique complexe entre la recherche du plaisir et la destruction de soi.

Becker ne se contente pas de décrire les moments de jouissance physique, elle analyse l’amour dans toute sa profondeur, en explorant la manière dont les amants s’approprient l’un l’autre, tout en s’effaçant eux-mêmes. Le personnage féminin est constamment partagé entre sa vie de mère et d’épouse, et sa quête dévorante pour cet amant qui semble l’incarner autant qu’il la consume. Dans un passage particulièrement fort, elle avoue : « C’est dans ses bras que je trouvais une autre version de moi-même, une version que je désirais et que je redoutais à la fois. »

Le mal vraiment ?

L’écriture de Becker est empreinte d’une sensualité bouleversante, chaque mot est choisi avec soin pour refléter les contradictions de ses personnages. Les descriptions des moments intimes, crus mais jamais vulgaires, sont empreintes d’une poésie brute. Jamais le sexe n’a été écrit de la sorte. Avec précision et poésie. C’est d’une beauté folle. Jamais, peut-être, de nouveaux idéaux types des sexualités masculines et féminines que connus des seuls curieux et curieuses n’auront été mis en avant de la sorte. Emma Becker à travers tous ses livres, mais à travers celui-ci en particulier ouvre les possibles des sexualités. C’est non seulement superbe, mais de salubrité publique. Pour que nous prenions collectivement plus de plaisir.

Dans le deuxième acte du livre, lorsqu’elle se remémore ses vacances loin d’Antonin, prise entre le désir de le retrouver et la pression de sa vie de famille. Ce sont ces moments d’introspection qui révèlent toute la force du récit : « Chaque seconde passée loin de lui me rappelait que mon bonheur dépendait de son absence. »

Avec Le Mal joli, Emma Becker parvient à ausculter le désir et l’amour avec une intensité rare, faisant de son œuvre une réflexion puissante sur la dépendance affective, la jouissance, et les dilemmes moraux qu’elle entraîne. Loin de simplement raconter une histoire d’amour adultère, elle questionne la liberté individuelle et les concessions que nous faisons pour aimer. Une œuvre aussi crue que touchante, dans laquelle la beauté du mal trouve sa place dans chaque page, chaque mot.

Un livre incontournable pour comprendre (ou pas) la complexité des relations humaines, où Becker continue de briller par son audace et la beauté de son écriture.

“Le mal joli”, Emma Becker, Albin Michel.

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