Ecrire, aimer, vivre. C’est ainsi que Joseph Kessel définissait ce qui le caractérisait. Les hasards de la vie ont conduit cette semaine l’auteur de ces lignes dominicales sur les traces de Joseph Kessel. D’abord autour de son discours de réception à l’Académie Française alors qu’il succédait au duc de La Force. Que dit Kessel : « Pour remplacer le compagnon dont le nom magnifique a résonné glorieusement pendant un millénaire dans les annales de la France ; dont les ancêtres, grands soldats, grands seigneurs, grands dignitaires, amis des princes et des rois, ont fait partie de son histoire d’une manière éclatante, pour le remplacer, qui avez-vous désigné ? Un Russe de naissance, et Juif de surcroît. Un juif d’Europe Orientale. Vous savez, Messieurs, et bien qu’il ait coûté la vie à des millions de martyrs, vous savez ce que ce titre signifie encore dans certains milieux, et pour trop de gens. »
L’Académie qui honore un « étranger ». L’Académie française qui fait de l’étranger une part de la France. Enseignement qui résonne fortement alors que plus les jours passent, plus les discours nauséabonds ouvrent toujours plus la fenêtre d’Overton de ce qui apparaît comme dicible dans la société française. Avoir le tournis.
Revenir encore à Kessel. A cette ode à la vie. A la mise en danger de soi au nom d’une cause que l’on considère supérieure et vitale pour soi comme pour l’Humanité.
A cette ode à la vie, aussi dans cette dimension festive, et puissante de la place que l’on fait à l’autre pour partager avec lui un moment d’égrégore fraternelle autour d’un verre, d’un repas, d’une chanson ou d’une discussion.
A cette ode à la vie, aussi, évidemment dans l’envie et le besoin d’aimer. Beaucoup. Toujours. En permanence.
Dans ce retour à Kessel : écrire, aimer, vivre. S’interroger sur ce qui a conduit, un temps, Kessel à être considéré comme un écrivain has-been.
Se demander si l’exemple de cet homme avec ses éclairs lumineux et ses orages, tout en complexité, ne gagnerait pas à être mise plus encore en valeur. Ecrire, aimer, vivre. Comme une antienne pour supporter le désordre du monde. Ecrire, aimer, vivre, pour réparer – un peu – le monde. Ecrire, aimer, vivre, pour cultiver l’audace « soif de vivre, force d’aimer » écrivait Kessel.
De Kessel glisser à René Char : « Il n’y a que deux conduites avec la vie : ou on la rêve ou on l’accomplit ».
Et si, en ce dimanche matin, dans nos lits autant que rentrant de nos premières activités, nous nous souhaitions du rêve accomplit. Ce rêve que l’on construit, qui donne le cap, et qui surtout permet la mise en mouvement. Pour écrire, pour aimer, pour raconter, pour créer, pour résister.
Ce rêve accomplit, Ernestiens et Ernestiennes, souhaitons-le, pour que les forces de la résistance au néant politique et intellectuel qui semble vouloir s’installer soient puissantes, intraitables et indomptables.
Bon dimanche,
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