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Un autre verre, s’il vous plait !

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Cela commence comme un livre d’Histoire. Les troupes allemandes entrent dans Paris. Le narrateur raconte doucement cette chute de la France. En quelques petites pages, le décor est posé. Il s’arrête au Ritz. Quelques semaines auparavant Winston Churchill était au bar. Avec Frank Meir, le héros du livre. Il est barman au Ritz, il est juif, c’est son secret. L’intrigue est posée et le lecteur plonge avec délectation dans ce roman vertigineux, émouvant, puissant et documenté, signé Philippe Collin (dont nous vous avons parlé ici et là, pour son travail d’historien et d’homme de radio).
« Le barman du Ritz » raconte l’histoire (réelle) de Frank Meier pris en tenaille entre son besoin de travailler au Ritz, son obligation à s’attirer les regards positifs des officiers allemands, et son envie d’aider Luciano son apprenti juif, de protéger la sublime Blanche Azuelo, femme du directeur de l’hôtel, et de participer à la collecte de faux papiers pour les familles juives ou les résistants. Cela raconte l’amour des uns et des autres, les compromissions, les profiteurs, la Gestapo, l’infâme Coco Chanel et tout ce que l’Occupation a charrié avec elle.

Justesse de la fiction

De fait, Meier incarne cette France de l’entre-deux, cette France qui a en partie collaboré en tirant profit de la situation et qui dans le même temps a été active pour la résistance ou le sauvetage des juifs. Ce roman juste, fin et profondément attachant raconte le gris. L’équilibre et le déséquilibre, la peur autant que la recherche de la beauté. L’affrontement entre la peur et le courage, entre l’individuel et le collectif. Ne se contentant pas de l’Histoire, Philippe Collin remplit les blancs et invente un « journal de Frank Meier » dans lequel il explore les motivations du personnage, raconte son histoire, détaille ses amitiés d’avant guerre avec les Scott Fitzgerald ou les Hemingway.

Avec ce procédé littéraire, Collin franchit le Rubicon qui le fait passer du raconteur génial d’histoires à romancier. Il tisse une toile autour de cette unité de lieu que constitue le Ritz et raconte la guerre, et plus précisément encore comment l’être humain agit différemment devant une situation tragique.On songe à l’essai de Pierre Bayard “Aurais-je été bourreau ou résistant ?” et l’on comprend avec ce roman, avec Meier que la réponse définitive à cette question

La lecture est agréable. Mieux que cela, elle devient vite indispensable tant Collin parvient à maintenir la tension romanesque. Plus la fin approche, plus le lecteur se surprend à ralentir, pour faire durer le plaisir. « Le barman du Ritz » est un roman magnifique. De ceux qui s’impriment dans le cœur et l’esprit.  A lire de toute urgence.

“Le barman du Ritz”, Philippe Collin, Albin Michel.

Tous les vendredi lecture d’Ernest sont là.

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