Elle s’appelle Pampa. Elle est indienne. Révulsée par la coutume qui veut que les épouses se jettent dans le bucher de leur mari, elle imagine l’un empire égalitaire entre hommes et femmes dans l’Inde du XIVè siècle. Elle refuse de porter le voile et s’amuse de la bêtise des hommes qui veulent lui imposer leur loi. Elle est l’héroïne, passionnante, attachante, rusée et culottée du dernier roman de Salman Rushdie « La cité de la victoire » qui sera sur les tables des librairies ce mercredi.
Dans ce roman fable virevoltant, terminé quelques jours avant l’attaque islamiste dont il a été victime il y a un an, Rushdie poursuit son interrogation des religions qui se veulent politiques et qui, donc, envahissent les individus et espèrent leur dicter leur conduite. Dans ce roman puissant, l’auteur des Versets sataniques continue de creuser ce sillon crucial et capital de la pensée libre et de la rationalité tintée de magie humaniste. Ce livre sort un an presque jour pour jour après l’attaque dont il a été la cible et qui l’a laissé aveugle d’un œil et handicapé d’un bras. Il résonne avec le monde. Celui qui nous entoure, celui qui espère conquérir les esprits libres que la littérature, la sécularisation, l’envie d’être soi-même, le rire et tout un tas d’autres choses façonnent de nous. Ce monde où chacun peut choisir de devenir ce qu’il est.
Une sortie qui résonne avec le monde. Il y a quasiment un an, Masha Amini, était tuée par la police des mœurs de Téhéran parce qu’elle n’avait pas bien ajusté son voile. Un meurtre politique et religieux qui a déclenché une révolte sans précédent. Un an plus tard, la situation reste dramatique pour les femmes iraniennes. La répression religieuse est totale. Le bilan des conquêtes reste mince. Envie de chialer. Envie d’hurler. Envie de tout casser à la moindre évocation de l’idée que l’Abaya pourrait être un choix des femmes. Rushdie, Amini. La liste des noms pourrait être longue. Lire Rushdie qui, à nouveau dans ce roman s’amuse et se joue de ces puritains qui ne veulent ni parler de sexe, ni le représenter et encore moins le vivre.
Dans le livre, Pampa souligne le lien profond entre la libération des corps et la libération de l’esprit. Comme pour rappeler que lorsque le puritanisme gagne du terrain, la liberté des hommes et des femmes régresse. Toujours. Comme un invariant de l’Histoire. Ne jamais l’oublier. Ne jamais l’accepter. Les derniers mots du roman sont les suivants : « Les mots sont les seuls vainqueurs. » Les lire, les relire. Les marteler. Se dire que l’on doit en être digne. Ne jamais abdiquer des mots. Toujours les dire. Toujours dire non à tout ce qui peut mettre l’Autre, et a fortiori les femmes sous une forme de domination. « Les mots sont les seuls vainqueurs ». « Les mots sont les seuls vainqueurs. » Commencer par dire NON. Non et non. Pour dire oui, oui, oui à Rushdie et à tous ces artistes qui se battent, grâce aux mots, pour nous et pour notre liberté de pensée.
Pour Pampa, pour Masha, et pour toutes les jeunes filles qui n’osent pas encore mais qui lisant ces mots ou d’autres mots similaires diront d’abord non à l’oppression et ensuite oui à la curiosité et à la liberté. Nous serons là pour les voir grandir.
Bon dimanche,
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