Programmes radio, podcasts, docu-séries… les récits d’authentiques affaires criminelles "True Crime" captivent le grand public. Une fascination à laquelle de plus en plus d’éditeurs tentent de répondre avec des enquêtes de qualité, œuvres de romanciers ou de journalistes. Enquête.
Est-ce de la curiosité morbide ? Le besoin de se confronter à une expression extrême de la violence, de la cruauté, du Mal ? Est-ce une autre version de ces mouchoirs ou foulards que l’on trempait autrefois dans le sang des guillotinés ? Le « true crime » est en train de se trouver un public en France. Il n’est certes pas l’objet de sites web spécialisés, de groupes de discussion en ligne ou de méga-festivals, comme c’est le cas aux Etats-Unis. Il se fait néanmoins une place chez les libraires, jusqu’à parfois occuper un rayon à part.
De Frédéric Pottecher à Dupont de Ligonnès
Cela a pris un peu de temps. Il a fallu notamment que ces livres de non-fiction soient clairement identifiés. A la croisée du thriller, du polar, du document et parfois de l’essai, ils retracent une authentique affaire criminelle, récente ou non, résolue ou non, en respectant scrupuleusement les faits, les identités, les dates. Leur auteur, journaliste spécialisé ou romancier averti, emprunte aux technique narratives de la fiction tout en enrichissant son sujet par des témoignages, des portraits, voire des révélations.
Ce n’est pas d’hier que les grands mystères criminels fascinent le public et que des conteurs de talent s’en emparent. Dans leur essai « Le goût du crime » (Actes Sud, 2023), les philosophes Emmanuel et Mathias Roux rappellent le succès des fameuses chroniques judiciaires de Frédéric Pottecher à la radio ou de Paul Lefèvre à la télé, précurseurs des émissions de Christophe Hondelatte ou Jacques Pradel. Aujourd’hui, encouragés par les audiences record des articles en ligne sur les affaires Lelandais, Daval ou Jubilar, la plupart des grands médias produisent leur propre podcast spécial crime (TF1, Radio-France, RTL, Le Parisien, etc.).
Dans ce contexte, deux éléments ont nourri un début de phénomène littéraire. En premier lieu, l’arrivée sur les grandes plateformes de streaming de documentaires ou docu-séries produits avec soin et traitant de grandes affaires ou figures criminelles (« Grégory », « Making a murderer », « The Staircase », etc.). « Les séries documentaires de Netflix sur les tueurs en série ont amené cette mise en scène des enquêtes, elles ont scénarisé le fait divers et dépassé sa simple exposition », analyse Arnaud Hofmarcher, directeur littéraire chez Sonatine éditions. Autre accélérateur inattendu : la réussite du magazine Society, à l’été 2022, avec ses deux numéros hors-série consacrés à l’affaire Dupont de Ligonnès : 400.000 exemplaires vendus, dans un paysage de la presse réputé sinistré.
L’Amérique du crime en 10x18
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