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Le temple de vivre

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Mardi, une nouvelle saison. Printemps. Renouveau. Laisser derrière soi les vicissitudes de l’hiver, emporter les vérités acquises et les outils que l’on pense être les bons. A chaque changement de saison, une micro métamorphose. Celle du temps qui passe. Alors que l’auteur de ces lignes, peu inspiré vous direz-vous peut-être, songeait à un sujet pour cette missive du dimanche, cette idée de la saisonnalité lui est venue. Et avec elle, un livre : “Le métier de vivre” de Cesare Pavese.

Dans ce texte qui est en fait le journal intime qu’il tint tout au long de sa vie, Pavese disserte autant sur la vie charnelle et amoureuse, que sur le métier d’écrivain, mais aussi sur le besoin pour chacun d’être utile. Ce texte plein d’intelligence et de finesse est une réflexion globale sur la place des uns et des autres dans la vie et dans le monde.
Vivant dans la culpabilité permanente de ne pas être capable de s’immerger vraiment dans le flux de la vie politique et sociale, Pavese s’en tenait parfois volontairement à l’écart. Il y avait peut-être, chez cet Italien de la première moitié du 20è siècle, une dimension de vie qui se confondait avec une autre ; pour après sublimer tout ça dans une réflexion constante et dans une écriture purifiée, lyrique, mais extrêmement propre.

Dans un langage limé de tout accessoire et surplus, recherché, structuré, et réfléchi au possible, il convie le lecteur à l’introspection d’abord, mais aussi et surtout à l’action. “En somme, pourquoi désire-t-on être grand, être des génies-créateurs ? Pour la postérité ? Non. Pour se promener dans la foule et être montré du doigt ? Non. Pour soutenir la peine quotidienne de la certitude que tout ce que l’on fait vaut la peine, est quelque chose d’unique. Pour aujourd’hui, non pour l’éternité”, écrit Pavese.

Comme si, au fond, dans ce fameux métier de vivre, nous devions bâtir. Pour nous, certes, mais pour le monde aussi. “Le Métier de vivre”, transpire de cette idée que vivre c’est aussi chercher la légèreté, accéder à la légèreté, accepter la légèreté. Insoutenable légèreté de l’être. “A cette époque, tout n’était que fête”, c’est d’ailleurs l’incipit de l’un des romans de l’écrivain Italien : “Le bel été.”
Quel rapport avec les saisons me direz-vous ? Quel rapport entre le passage de l’hiver au printemps ? Peut-être aucun. Peut-être simplement le cycle de la vie. Le temps qui passe.

Les pertes, les joies, les doutes, les “qu’avons-nous fait ?” les “qu’avons-nous perdu ?” les “pourquoi ?” restés à jamais sans réponses. Peut-être une forme de résonance entre le métier de vivre et le passage des choses. Tempus fugit.
Peut-être aussi un rapport plus large avec les péripéties que nous connaissons tous et toutes dans notre “métier de vivre”.  Alors que toutes ces réflexions assaillaient l’esprit tortueux de l’auteur de ces lignes, l’apport d’un ami a été intéressant. Tellement qu’il est apparu crucial de vous le livrer ce matin. “Tout cela pose la question de notre utilité”, a-t-il d’abord livré. Avant d’ajouter : “plutôt que de métier de vivre, j’ose parler ici du temple de vivre. Et de ce qui fait résonner entre eux ce que communément on appelle le temple intérieur et le temple à bâtir. Le temple de vivre réunit les deux. La beauté nécessaire et indispensable et le travail utile.”

Le “temple de vivre”. Bâtir conjointement. Faire vibrer les deux cordes de la même harmonie. Pour créer de la beauté. Car, celle-ci peut-être, ou plutôt surement, construira les temples du monde de demain. Les temples du printemps, de l’été, de l’automne et aussi de l’hiver. Comme un viatique. La beauté comme outil de nos utilités intérieures comme de celles que l’on expose au monde.

En dégustant les légumes nouveaux du printemps, certainement que toutes ces questions resteront dans nos esprits. Alors le “temple de vivre” sera en pleine construction.

Bon dimanche,

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