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Et si Romain Gary n’existait pas ?

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Que serait-on sans les chefs d’œuvre ? C’est la question réjouissante et stimulante posée par l’excellent Pierre Bayard dans son dernier essai “Et si les Beatles n’étaient pas nés ?”  Inspirant.

Et si Romain Gary n’existait pas ? Cette question ne figure pas dans le livre de Pierre Bayard, mais elle dit toute la quintessence de cet essai virevoltant qui vient de paraître. La question que pose Bayard est celle de savoir ce que les chefs d’œuvre produisent sur les individus et aussi sur les artistes qui exposés à ces chefs d’œuvre, malgré leur talent, semblent éclipsés. Bayard s’interroge même : et si la luminosité du chef d’œuvre ne nous conduisait pas collectivement à ne pas regarder ailleurs. Ainsi, le professeur de littérature imagine des mondes alternatifs. Ainsi, si Brian Epstein ne s’était pas intéressé un peu par hasard à John, Paul, George et Ringo, peut-être alors que Mick, Pete, Dave et Ray, les quatuor des Kinks  serait devenu le groupe pop phare des années 60 ? Aurions-nous été différents ? Peut-être. Ou pas. Ce qui est intéressant dans le livre de Bayard qui s’interroge aussi sur le monde sans William Shakespeare, sans Karl Marx, sans Sigmund Freud, ou sans Simone de Beauvoir.

Universalité

Au-delà de la gymnastique amusante, et intelligente de l’uchronie qui consiste à imaginer un monde sans, Pierre Bayard va plus loin et invite à réfléchir à un monde de chef d’œuvres augmenté en quelques sortes. “Il ne s’agit plus en effet d’étudier des mondes imaginaires, mais de s’intéresser aux mondes réels alternatifs qui nous entourent et de réfléchir aux moyens d’entrer en relation avec eux afin de mieux les connaître”, écrit Bayard. Au fond, dans cette réflexion réjouissante, Bayard s’interroge aussi sur ce qui fait qu’un chef d’œuvre devient un chef d’œuvre. Pourquoi la musique des Beatles plutôt que celle des Kinks ? Peut-être parce que la transformation d’une œuvre d’art en chef d’œuvre, en ce sens qu’il devient universellement reconnu comme le symbole de quelque chose n’est pas uniquement soumise à la valeur intrinsèque de l’œuvre. Certainement qu’autre chose entre en ligne de compte : une forme de dialogue entre l’œuvre et le monde, entre les sousbassements de la société que seule la sensibilité de l’artiste est capable de ressentir et de traduire dans une chanson, un roman, une peinture etc. Et si Romain Gary n’existait pas il y aurait, heureusement, Emile Ajar !

Lisez ce livre de Pierre Bayard, mais aussi “comment parler des livres que l’on a pas lu”, ou encore “Aurais-je été bourreau ou résistant ?”. Cet auteur donne à penser et à réfléchir de façon ludique et exigeante. Indispensable.

Toutes les essais transformés d’Ernest sont là.

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