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Europa, j’écris ton nom

Christian Lue 7dEyTJ7 8os Unsplash

Cette semaine Frédéric Potier nous parle de l'Europe. Ou plutôt d'Europa. Fondation affective du projet européen. Comme un besoin aujourd'hui alors que la crise a touché tout le monde. Avec, en invité, Laurent Gaudé.

Ma génération a de l'Europe quelques images toutes faites glanées sur la télévision familiale, les manuels d'histoire-géo ou les échanges scolaires. Fouillant dans ma mémoire, j'y retrouve Mitterrand et Kohl se tenant la main à Verdun, des interventions de Jacques Delors dans un anglais trébuchant, des étés en Irlande, des printemps en Allemagne, et puis, bien plus tard, les joies du programme Erasmus si bien incarnées par un Romain Duris préférant une colocation festive à Barcelone plutôt qu'un stage grisonnant à Bercy. Mais tout cela forme-t-il un projet politique ? L'Europe n'est-ce qu'une utopie d'étudiants avinés ? Ou bien est-ce la terrible machinerie bruxelloise décrite avec férocité dans la très drôle série TV "Le Parlement" (disponible gratuitement sur Arte) ? Probablement un savant mélange de tout cela.
Toujours est-il que l'actualité récente nous renvoie à nouveau à la centralité des questions européennes dans notre débat public. L'alerte rouge a été déclenchée par la décision de la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe qui a semblé vouloir mettre à bas la primauté du droit communautaire sur le droit national et dicter ses conditions à la Banque centrale européenne. L'accord Macron-Merkel sur un plan de soutien à l'activité de 500 milliards d'euros a, au contraire, rassuré tous ceux qui considèrent que l'Union Europe ne peut se limiter à un vaste marché commun.

Ernest Couv Europe HeritageRares sont les auteurs qui parviennent à rendre intelligible l'extraordinaire complexité du fonctionnement institutionnel européen. C'est le cas de mon ami Emmanuel Tuschscherer dont le CV (Normale sup, agrégation de philo, ENA) est aussi long que la diversité de ses expériences professionnelles (haut fonctionnaire, diplomate, cadre dirigeant dans le secteur privé). Dans un essai, injustement passé inaperçu en 2018, intitulé "L'Europe en héritage. La génération Erasmus à l'heure des choix", publié chez L'Harmattan avec une préface d'Enrico Letta (ancien Premier ministre italien, c'est chic...), l'auteur croise avec talent le témoignage de son enfance alsacienne bercée par des identités multiples (sardes, italiennes, alsaciennes) puis de son cheminement dans la voie royale des grandes écoles de la République avec une analyse lucide de la construction chaotique de l'Union Européenne des années 2000.