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A nos crayons !

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“J’attends que ce qui nous est arrivé devienne un récit collectif.” Ce sont les mots de Pierre-Sylvain, survivant du Bataclan, lors du procès des attentats du 13 novembre. Ils figurent dans V13 le livre de chroniques judiciaires du procès que publie Emmanuel Carrère. Avec sobriété, phrases ciselées et intelligence humaine, Carrère écrit un récit collectif. Ce récit dans lequel la dimension sacrée des échanges et des audiences transpire dans chaque page est un outil qu’il nous faut désormais garder auprès de nous. Comme le fut le récit de Yannick Haenel  à propos des attentats des 7, 8, et 9 janvier 2015 à Charlie Hebdo, Montrouge et l’Hypercacher. Souhaiter “tout autre chose qu’un machin vertueux pour l’Histoire, le happening judiciaire pharaonique et vain qu’on avait de bonnes raisons de craindre au début”, note Carrère. Et ce fut, de fait, “tout autre chose : une expérience unique d’effroi, de pitié, de proximité et de présence”, écrit-il.

Le hasard de la vie a fait que ce livre soit parvenu jusqu’à nous alors que s’ouvrait cette semaine le procès de l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice.  Comme si le temps judiciaire nous rappelait nos effrois successifs. Comme s’il nous tendait un miroir pour vérifier que nous avions bien pris la mesure de ce que ces attentats nous disent de notre pays. De la façon dont un islam politique puissant a décidé de déstabiliser notre République. Peut-être est-ce cela qui manque d’ailleurs dans ces procès où il plus question de l’organisation des attaques que des motivations profondes des terroristes.

Et s’interroger : cela peut-il à nouveau à arriver en France ? Que s’est-il passé pour que nos valeurs universelles et humanistes soient à ce point mises en cause ? Répondre par l’affirmative à la première question, se dire que peut-être nos valeurs humanistes et universelles ne sont plus réellement partagées, ou mal comprises. Désespérer, un peu. Reprendre espoir.

Grâce à un professeur d’histoire qui vient de publier un livre essentiel sur “l’école, la jeunesse française et la République”. Dans cet essai vivifiant, sans œillères, bien écrit, documenté et littéraire, Iannis Roder, historien et enseignant dans un collège de Saint-Denis, pose les diagnostics. Ils sont terribles : oui la jeunesse a du mal à partager l’idéal commun de la République, oui un islamisme politique tente de déstabiliser notre école, oui les inégalités sociales et géographiques fournissent un terreau pour cet islamisme.

Mais Roder ne se contente pas de ces constats : il pose les jalons de la façon dont l’école de la République peut très rapidement en revalorisant le rôle des enseignants et aussi en les formant mieux redevenir un récit collectif mobilisateur et émancipateur.

Faire le pari de la liberté et de l’intelligence, toujours, encore, et tout le temps. Se donner vraiment les moyens de le faire. “Émancipation laïque qui participe de l’émancipation intellectuelle et aussi sociale”, rappelait Jaurès que Roder emmène avec lui dans la réflexion. Ce livre qui mêle analyse de la situation, solutions concrètes et dialogue avec la jeunesse que Roder côtoie chaque jour, donne l’envie de se mobiliser.

Pour faire de ce chantier le seul et l’unique qui compte pour « former des citoyens » et ne plus avoir à faire des récits collectifs des attentats.

L’urgence est là. Il est temps d’y répondre tous ensemble.

Bon dimanche les amis,

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