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Chassés-croisés

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L’été est un chassé-croisé. Non pas seulement celui si cher à Bison Futé entre juilletistes et aoutiens. Mais un chassé-croisé plus large entre ce que nous espérions un an auparavant à la même période et ce que nous avons accompli, réussi, raté, et tenté. Resteront, forcément, les beaux instants volés au quotidien qui laissent une empreinte puissante : un regard, un baiser, un lieu secret, un sourire, un diner partagé, le rire d’un enfant, un cadeau inattendu offert ou reçu, une victoire sportive etc.
L’été est aussi un chassé-croisé aussi entre la frénésie du quotidien et l’insouciance si chère à Sagan qui le présentait comme “le seul sentiment dont il faut prendre soin parce qu’il ne possède pas d’argument pour se défendre”, que nous tenterons de retrouver alors que la trêve estivale pointe le bout de son nez. Chassé-croisé aussi pour certains et certaines entre deux défis. Ceux que l’on a relevé haut la main et ceux que l’on a face à nous. Qui font peur mais qui seront, eux aussi, relevés.

Dans le sens de la langue, chassé-croisé désigne un ensemble de démarches qui se croisent sans se coordonner. Pourtant ce matin nous avions envie de réhabiliter le chassé-croisé. Cette idée profondément humaine que nous essayons, que nous tentons de garder un cap, et que nous l’adaptons. Ce chassé-croisé fait de départs, d’arrivées, de nouveaux départs. Où l’impasse n’existe pas puisque l’Humain a la capacité d’invention, de création, et de réinvention.
Dans la beauté de l’été, inconsciemment, se niche en nous quelque chose d’indescriptible qui nous met en mouvement. Tout de suite ou plus tard. Pourquoi sinon aimons-nous tant en les chérissant tout particulièrement les rencontres d’été ?

Peu importe d’ailleurs qu’elles ne durent qu’une heure, une nuit, ou des années même si nous aimons qu’elles durent. “Il est des rencontres qui nous bouleversent profondément, nous interrogent sur notre identité bien plus intensément que des années d’introspection. L’importance que prennent certaines personnes à nos yeux ne tient pas à la durée de la rencontre mais à la puissance avec laquelle leur présence résonne en nous, à ce qu’elles libèrent ou ravivent comme part essentielle de nous-mêmes, à la vérité enfouie à laquelle, sans le savoir, elles nous reconduisent”, écrit d’ailleurs la philosophe Claire Marin dans son bel essai « Être à sa place », paru à l’Observatoire dans un éloge du chassé-croisé, de l’addition, de la beauté de ce qui n’est pas linéaire. Pourquoi sinon, aimons-nous tant les cartes postales autrefois échangées ?

Pourquoi sinon, gardons-nous le souvenir de ces repas où l’on rit, où l’on parle fort, où l’on danse, où l’on pleure, où l’on s’aime, où l’on se cherche des poux, où l’on mange plus qu’il ne faut, où l’on se dit l’espace d’un instant qu’il faut saisir ce bonheur.

Bonheur estival qui se croise parfois, lui aussi, avec une mélancolie qui étreint forcément. Dans cet aller-retour, dans cette capacité à nous laisser tranquille autant qu’à nous interroger lors de ces moments, il y a une source d’or. Celle que chacun d’entre nous peut trouver en lui pour inventer la suite.
Au fond dans cette idée répandue que le chassé-croisé serait un brouillon, il y a une forme de volonté de ne pas accepter le tâtonnement, l’interrogation, le raturage etc.

Il y a dans le refus du chassé-croisé la volonté que chaque chose ou chaque être reste à “sa place”.  “J’ai tout essayé pour me soustraire, mais il n’y a rien à faire nous sommes tous des additionnés” dirait pourtant Gary. Ainsi, dans ces additions il y a nos chassés-croisés. Ce qui nous rend plus beaux. Plus complets, même.

Aussi, les amis, pour cet été nous vous souhaitons de beaux chassés-croisés de ceux qui seront les brouillons joyeux de l’avenir, de ceux que vous chérirez longtemps, de ceux qui vous rappelleront que vous êtes vivants, profondément vivants.  
Quand la rentrée sera là, la frénésie rendra moins simple la possibilité du chassé-croisé constructif. Mais rassurez-vous, il est possible à toutes les saisons pour peu que nous gardions et que nous chérissions notre invincible été, ou tout simplement que nous gardions intacte notre capacité humaine à aimer les zigzags plutôt que les lignes droites. A aimer les pas de côté qui rendent le chemin plus beau.

Bon dimanche et bel été

Rendez-vous le 22 août.

L’édito paraît le dimanche dans l’Ernestine, notre lettre inspirante (inscrivez-vous c’est gratuit) et le lundi sur le site (abonnez-vous pour soutenir notre démarche)
 
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