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Ces gens-là

Sharon Mccutcheon SMnoDBdC1tE Unsplash

“Je ne suis pas raciste, j’ai même des disques de Sidney Bechet” s’amusait Coluche qui fit aussi cette blague sous une autre variante : “Je ne suis pas raciste, mon chien est noir“. Caroline Cayeux ministre des collectivités territoriales, elle, ne blaguait pas en déclarant qu’elle avait plein d’amis chez ces “gens-là” pour s’excuser de ses propos de 2013 sur le “dessein contre nature des homosexuels”“Ces gens-là”. Dans la bouche d’une ministre. En 2022. Se rappeler de Brel et de sa superbe chanson au titre éponyme qui tournait en dérision cette bourgeoisie qui n’était pas capable de comprendre le monde. “Chez ces gens-là, Monsieur, on ne pense pas, on prie”, chantait le grand Jacques.
Madame la ministre écoutez Jacques Brel. Et lisez, lisez, lisez…

Lisez, par exemple, La “Chambre de Giovanni” de James Baldwin pour comprendre la complexité des tourments de l’identité sexuelle de David qui tombe amoureux de Giovanni alors qu’Hella, sa fiancée, est en Espagne. Lisez ensuite, Le “puits de solitude” de Marguerite Radclyffe Hall. “On la jugeait singulière, ce qui, dans ce milieu, équivalait à une réprobation. Troublée, malheureuse, comme un tout petit enfant, cette large créature musclée se sentait seule, elle n’avait pas encore appris cette dure leçon : elle n’avait pas encore appris que la place la plus solitaire en ce monde est réservée aux sans-patrie du sexe”, peut-on notamment y lire. “Le puits de solitude” fit scandale lors de sa parution à Londres en 1928, où il fut interdit et les exemplaires imprimés jetés au feu. Marguerite Radclyffe Hall y dépeint superbement l’amour de deux femmes, contrarié par une société hostile.

Ensuite, madame la ministre, lisez “L’(autre) homme de ma vie” dans lequel Stephen Mc Cauley raconte le libertinage assumé d’un homme qui aime les hommes et fait tout pour s’amuser tout en tentant de cacher cela à l’homme qui partage sa vie.
Lisez également, Yukio Mishima et ses “amours interdites” où un vieil écrivain Shunsuké est fasciné par la beauté folle de Yüichi, mais aussi par sa jeunesse.
 Lisez les “Chroniques de San Francisco” d’Armistead Maupin, ou encore le “Ramier” d’André Gide ou “I ragazzi” de Pasolini où est magnifiée l’universalité du désir érotique.

Son universalité, mais aussi son intimité qui le rend unique à chacun de nous. Son universalité, son intimité, mais aussi et surtout son humanité tant les mots que vous pourrez lire dans les livres que nous vous conseillons sont aussi ceux que vous pourrez lire ou relire dans la dérive sentimentale vers l’absolu d’ “Aurélien”, dans l’incandescence du désir des amants durassiens, dans la beauté de l’attirance de David et Victoria dans le “Système Victoria”, ou encore dans les atermoiements de Tomas dans “L’insoutenable légèreté de l’être”. Arrêtons la liste. La vérité est dans les romans. Nous sommes tous de “ces gens-là”.
 Au fond, cela porte un nom : l’humanité.

Bon dimanche,

L’édito paraît le dimanche dans l’Ernestine, notre lettre inspirante (inscrivez-vous c’est gratuit) et le lundi sur le site (abonnez-vous pour soutenir notre démarche)
 
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