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A nos pauvres mères

Claudia Wolff OwBcefxgrIE Unsplash

Tel un Albert Cohen des temps modernes, Jérémie Peltier rappelle avec humour et Jurassic Park à quel point il est crucial d’honorer nos mamans alors que la fête des mères, comme chaque année, est là. Savoureux.

Il y a toutes sortes de mamans, quand bien même il n’y en aura toujours qu’une seule qui trouvera évidemment grâce à nos yeux. Il y a des mamans très présentes, parfois envahissantes, des mamans qui rentrent dans votre appartement sans prévenir ni sonner, car comme par hasard, elle « passait justement dans le quartier », donc elle en profite pour faire un « petit coucou ». Il y a des mamans inquiètes, des mamans qui suent à grosses gouttes quand vous leur dites pour vous plaindre comme un bébé que vous êtes fatigué ou que vous avez mal à la tête, et ce quand bien même vous avez 40 ans passés. Il y a des mamans qui vous prennent la tête, d’autres qui perdent la tête. Il y a des mamans qui ressemblent à des papas, d’autres qui font l’âge de leurs enfants, d’autres encore qui font l’éloge de leurs enfants dès que l’occasion se présente.

3817 Lamour Dune MèreCes différentes mamans, on les retrouve dans le petit recueil de textes que viennent de publier les Éditions de l’Aube, L’amour d’une mère [1], le cadeau parfait si comme d’habitude vous voulez acheter un livre à votre maman à l’occasion de la fête si chère au maréchal Pétain. Vous y trouverez un morceau du merveilleux Jules Renard tiré du Vigneron dans sa vigne, dans lequel la mère d’un enfant maigre déplore que la mère d’un enfant gras ne lui rende pas les hypocrites compliments qu’une mère adresse normalement à une autre mère lorsqu’elles se croisent en compagnie de leurs enfants :

« Quel bel enfant vous avez, madame !

– Merci madame. On me le dit souvent, et je ne me lasse pas de l’entendre dire, car je crains de voir mon enfant trop beau quand je le regarde avec mes yeux maternels.

-Soyez en fier, madame. Il rayonne ; il réjouit (…).

-Vous le flattez, dit la Dame-en-Rose, mais comme le vôtre paraît sage ! »

La Dame-en-Noir, déçue, sourit avec tristesse : pour prix de son enthousiasme, elle attendait mieux. Elle eût préféré au banal compliment sincère quelque délicat mensonge, et quoique résignée, elle semble implorer encore.

Vous y trouverez aussi un joli texte tiré du recueil La fiancée de Marguerite Audoux, où la mère se rend compte que sa fille a pris l’ascendant sur elle depuis plusieurs années maintenant :

« C’est toi qui choisis mes livres et si je veux lire les tiens, ils parlent de choses qui me sont inconnues. C’est toi qui décides de la couleur de mes robes et de la forme de mes chapeaux. C’est toi qui gagnes l’argent qui me fait vivre et si je commande notre domestique, elle n’obéit qu’après avoir pris ton avis (…). Tout est changé ici, tu es devenue la mère et moi la petite fille. J’ai souvent peur d’être grondée et quoique tu sois douce et bonne, je crains ton regard sur moi ».

“Les hommages quotidiens aux mamans”

Un joli recueil donc, tout ce qu’il y a de plus sérieux et de plus solennel pour remercier nos mamans de nous avoir mis au monde. Cependant, et c’est fort dommage, vous n’y trouverez pas toutes les expressions modernes, qui sont pourtant autant d’hommages quotidiens à nos chères et tendres mamans. Ainsi, nos mamans sont très présentes dans les conversations des Françaises et des Français lorsque par exemple, un individu vous coupe la route, évitant de peu un accident : « N…ta mère » vous envoie-t-il, « Rentre chez ta mère » vous demande-t-il, comme pour vous rappeler utilement qu’il est important de rendre régulièrement visite à votre chère maman tandis que vous démarrez votre journée et que vous ne l’avez pas appelée du week-end.

Les stades de football sont aussi des lieux où regorgent à travers les cris et divers chants de multiples références aux mamans d’un certain nombre de joueurs. Ainsi les « Fils de p… » sont fréquemment utilisés pour se remémorer d’où l’on vient et grâce à qui nous sommes nés dans ce monde de douceur et de beauté.

Vous ne trouverez pas non plus dans ce joli et tendre recueil les remerciements qu’il faudrait urgemment adresser à nos mamans pour leur donner du courage afin de faire face à un certain nombre de problématiques propres à cette époque surprenante.

Les mamans d’aujourd’hui doivent en effet résoudre chaque soir les drames vécus en classe par leurs gamins après le vol de leur stylo 4 couleurs de BIC. Un récent article du Monde nous indiquait en effet que le stylo aux quatre encres est désormais « l’objet de convoitises, d’échanges et de trafics en tout genre chez les collégiens, au point que certains établissements le bannissent »[2].

Les mamans d’aujourd’hui doivent aussi gérer les écarts de leurs enfants, pensant parfois que les chèvres peuvent être consentantes lors d’un rapport sexuel. Un jeune individu de Seine-et-Marne, s’étant pris pour Monsieur Séguin ou pour le T-Rex de Jurrasic Park, a dû en effet poser beaucoup de tracas à sa maman après avoir violé une chèvre qui lui aurait adressé des marques de « consentement » selon ses dires, indiquant en outre qu’il préférait « les chèvres aux femmes »[3].

Les mamans d’aujourd’hui doivent enfin trouver d’autres arguments et d’autres outils que le fouet pour faire en sorte que leur gosse arrête de chialer car il est angoissé d’aller à l’école et de se confronter à d’autres individus, comme bon nombre de jeunes bambins depuis les confinements et la crise sanitaire.

Que de tracas, que de cheveux blancs. Cette époque n’est pas de tout repos pour nos mamans. Pensez-y dimanche au moment où nous leur offrirons une énième tasse en poterie dégueulasse qui se brisera au premier passage dans le micro-onde familial, cadeau d’une fête des mères d’il y a quelques années, lorsque l’inflation n’était pas arrivée.

[1] https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/lamour-dune-mere-copy/

[2] https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2022/04/15/collectionne-vole-revendu-l-etrange-engouement-des-collegiens-pour-le-stylo-4-couleurs-de-bic_6122368_4500055.html

[3] https://actu.fr/ile-de-france/chaintreaux_77071/seine-et-marne-zoophilie-il-pensait-que-la-chevre-etait-consentante_51034310.html

Toutes les chroniques d’arrêt d’urgence de Jérémie Peltier sont là.

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