Le débat public vous insupporte ? Jérémie Peltier a trouvé la solution pour apaiser tout cela : la fessée. Il vous explique tout, en détail, dans une savoureuse chronique dont il a le secret. Vive la fessée pour tous et toutes !
On nous avait pourtant prévenu que nous allions vivre des années folles après la pandémie. Mais nous n’avions pas anticipé que cela signifiait vivre l’année avec des fous !
Clairement, nous n’étions pas prêts. Ils sont pourtant là, partout, tout le temps. Les réseaux sociaux leur ont donné une place incroyable alors que jamais ils n’auraient eu droit au chapitre dans une société normale. C’est aussi ça, l’intégration mesdames et messieurs. C’est aussi cela, une société inclusive qui sait intégrer ses éléments les plus marginaux. On a donc décidé collectivement que le tempo du fameux « débat public » était défini par des guignols dont la France dans sa grande majorité se fout royalement mais que les fameux débatteurs publics prennent très au sérieux : bienvenue donc à tous les Papacito, Francis Lalanne et autres McFly et Pepito, qui entraînent désormais derrière eux commentaires, conférences de presse, duels sanglants sur Twitter et communiqués officiels de l’Élysée dès qu’ils postent quelque chose sur leurs fameux rezosocio (terme emprunté à Cécile Guilbert dans Roue libre [1]).
A choisir, on préférait presque quand les médecins trustaient BFM, Cnews et TPMP. Mais bon, tout cela est déjà derrière nous. C’est le retour du « débat public », si important, si structurant pour une partie des twittos amoureux de la belle actualité.
“Le débat public de boulevard”
A chaque jour son petit « scandale », car quand on se fait chier et qu’on ne sait pas à quoi on sert, il faut bien se trouver tout seul un petit rôle de figurant dans le grand film de la déglingue.
Le dernier en date ? Les cris offusqués face à la Une du journal l’Équipe au lendemain de la victoire de l’Équipe de France de football face à l’Allemagne.
Alalalala…On pensait enfin être un peu tranquille, on espérait avoir droit enfin à une petite parenthèse à tous ces bruits parasites grâce à notre bon vieux football… Et non, encore loupé. Les Jean Moulin en jeans moulants sont là pour nous les briser, ils sont de retours pour écrire des termes comme « scandales », « inadmissibles », « quelle honte ! ». C’est beau comme du théâtre de boulevard !
Alors évidemment, l’oscar du guignol de l’année est attribué à un jeune damoiseau, petit fillot de Godefroy de Montmirail, individu mi-anarchiste, mi-clochard qui a mis la fameuse « gifle » au président de la République au cri de « Montjoie ! Saint-Denis ! A bas la Macronie ». Ce petit gueux à la vie minable, qui tire ses références tout droit des « Visiteurs » est quand même parvenu à entrainer foule de commentaires en faisant croire tout à coup à un retour des royalistes dans le pays !
” C’est la chaleur qui vous a fait péter un boulon ?”
Eh oh, vous avez tous pété un boulon avec la chaleur ? Vous avez décidé de passer vos vies derrières vos écrans en vous faisant des films en permanence sur tout ce qui bouge ?
A force de rester seul chez soi, voilà ce qui arrive. On devient fou. On s’engueule sur tout. On s’invente des vies. Et comme on déteste tout le monde, on finit par jouir tout seul dans son lit, comme l’illustrent les ventes en flèche du Womanizer, stimulateur clitoridien à la technologie révolutionnaire. Entre 2019 et 2020, les ventes de Womanizer ont bondi de 197 % au niveau mondial et de 153 % en France [2].
Par conséquent, cela me fait dire que ce qui ferait du bien à notre époque de déglingués, c’est de reprendre un peu de plaisir collectif. Car on a beaucoup parlé de la baffe, de la gifle, mais qui était là pour défendre la fessée ? Pourquoi notre derrière est désormais si loin de nous ?
Attention, quand je parle de défendre la fessée, je veux parler de la belle fessée, consentie et désirée. Non pas la fessée de la punition que nous redoutions lorsque nous étions enfants. Il ne s’agit pas de défendre la fessée qui humilie, mais de la fessée de plaisir, la fessée entendue comme « une variante appuyée de la caresse » comme la nomme Jacques Serguine dans son merveilleux Éloge de la fessée [3] publié chez Gallimard en 1973.
Structuré en trois chapitres, Pourquoi, Quand, Comment, le petit livre de Serguine dessine tout ce qui fait le charme d’une belle fessée et nous explique comment retrouver cette « face cachée du monde » qu’est notre derrière. Car il y a tout intérêt à défendre la fessée face à la gifle. Contrairement à une gifle, une fessée se pratique sur une partie « admirable, soyeuse et tendre, rebondie et gracieuse, d’autant plus étendue qu’elle est profondément fendue », tandis qu’une gifle se pratique sur une surface squelettique et sans chaleur.
Pour Serguine, il est inadmissible que la fessée ait une vocation punitive. Et il est scandaleux de fesser les enfants, comme si les femmes et les hommes ne possédaient pas eux aussi leur propre derrière. Car la fessée n’est pas une contrainte, mais un plaisir, qu’elle soit donnée à un homme, à une femme, ou aux deux :
« Le rapprochement, en effet, quand je la fesse, entre la femme que j’aime et moi, et l’enseignement qu’elle et moi pouvons tirer de ces fessées, dépendent essentiellement du plaisir qu’elle y peut trouver elle-même : ils dépendent, en d’autres termes, de son acquiescement ».
La fessée doit par ailleurs être « utile », « bienfaisante », « satisfaisante », car pour lui, « une fessée donnée peut devenir l’occasion d’un rapprochement, d’un enseignement et d’un plaisir ».
Sa compagne, Michèle, lui donne d’ailleurs raison :
« Michèle me dit aussi qu’en tout cas, mieux valait mille fois une fessée comme celle que je venais de lui donner, que les discussions stériles et laides, et que les silences atterrants où, jusque-là, s’était enlisée chacune des innombrables tentatives de résoudre, ou simplement de concilier nos différends, nos différences ».
La conclusion que l’on peut en tirer, c’est que la fessée, bien plus que de grandes phrases et de grands éclats de voix, est un outil remarquable et pourtant méconnu pour résoudre nos conflits, nos différences et pacifier la société, notamment car le derrière suscite l’adhésion :
« Bien plus surement que tous les mots, avec leur dangereux pouvoir d’abstraction, la fessée permet de construire une entente, donc de demeurer unis et de se rapprocher encore (…). Je puis haïr beaucoup de mots, et peut-être ceux qui les disent. Mais qui parviendrait à haïr un derrière joli dans sa nudité ? ».
Ainsi mes chers amis, face à l’overdose du débat public, qui ressemble de plus en plus à des chiottes publiques, il est grand temps pour chacune et chacun d’entre nous de quitter les réseaux sociaux et notre iPhone, devenu notre « geôlier » pour reprendre l’expression de Nicolas Rey dans son dernier livre [4], et ce afin d’utiliser notre temps, notre intelligence et notre charme pour autre chose qu’un marais puant.
Dans son livre, Nicolas Rey fait dire à son narrateur qu’il est devenu « un type à l’horizontale, dix-sept heures par jour à mater des séries dans mon lit ». C’est comme ça que vous voulez vivre ? Je vous le dis, quittez tout cela, et prenez soin de celles et ceux qui partagent votre vie, au risque de finir comme le héros de Rey :
« Moi, c’est au téléphone que la femme de ma vie me quittait définitivement ».
Allez hop, on coupe tout ! Vous verrez, ce temps que vous allez gagner après la lecture de cette chronique, vous l’utiliserez pour vous (re) mettre à la fessée.
Sachez que débute en plus la saison des mariages. Vous aurez donc tout le loisir de pratiquer cet art dans l’une des chambres du gite ou du château réservé pas vos hôtes. Sachez aussi que la nouvelle mode de l’été sur Instagram, c’est le bronzage du périnée. Baptisée « perineum sunning » ou « butthole sunning » (bronzage de l’anus), cette tendance est destinée à combler les carences en vitamine D. Ces individus soucieux de leur bien-être se prennent alors en photos allongés sur le dos, jambes écartées et yeux fermés pour se faire bronzer [5].
Rien de tel après un petit bronzage qu’une petite fessée. Car prendre soin de soi (comme on a aimé le dire pendant la pandémie), c’est prendre soin de son derrière dans son intégralité.
Une fessée et au lit. Voici ce qu’il faut pour calmer le pays.
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[1] Cécile Guilbert, Roue libre, Flammarion, 2020
[2] https://www.leparisien.fr/intime/cest-une-machine-a-plaisir-le-succes-fou-de-womanizer-06-06-2021-ZCIY4YXO25AKZLRBNRR3ILWGMI.php#xtor=AD-1481423552
[3] Jacques Serguine, Éloge de la fessée, Gallimard, 1973
[4] Nicolas Rey, La marge d’erreur, Au diable vauvert, 2021
[5] https://www.liberation.fr/lifestyle/le-bronzage-du-perinee-nouvelle-lubie-dinstagram-20210522_PUJVUZHKNFG37NMMMARTZOECAY/?utm_medium=Social&xtor=CS7-50-&utm_source=Facebook&fbclid=IwAR2uOez6WzNri0wVoKkTQ79bTuNsBT_mdcU9n-ZtOpqKoflPbHyonUk5764#Echobox=1621700629
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