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Petit mémo de survie pour les fêtes

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Alors que chacun et chacune va bientôt retrouver sa famille pour les traditionnelles fêtes de fin d’année, notre chroniqueur Jérémie Peltier ne reculant devant aucun sacrifice, a vécu en avance la soirée de Noël, et il en a tiré un petit mémo de survie hilarant qui servira à chacun et chacune de nous. Avec du Georges Marchais, du Sacha Guitry, du Tristan Bernard et du Capitaine Haddock ! Joyeuses fêtes !

Bonjour,

Afin d’avoir suffisamment de choses à dire lorsque vous allez devoir vous coltiner votre famille (et souvent celle des autres) durant la période de Noël, voici en cadeau quelques idées qui vous permettront de paraître – ou d’être – un peu moins con que d’habitude. Ces différents éléments et autres informations peuvent vous aider à anticiper les étapes clefs de la soirée de Noël et ainsi modifier vos habitudes et comportements. Ils pourront aussi, je l’espère, vous permettre de redonner un peu de hauteur aux discussions familiales, lorsque votre imbécile de neveu aura déjà chanté 5 fois pour faire son intéressant :

« Vive le vent, vive le vent, vive le vent d’hiver. Boule de neige, et jour de l’an, et va niquer ta mère ».  

 

Ci-dessous donc, un petit mémo à garder dans votre téléphone afin d’avoir enfin une bonne raison de le sortir durant le repas (sachant que personne ne vous écrira durant les vacances car vos amants sont en famille et vos amis sont vos amants). Ce memo a été constitué grâce à « Evene Citations » et au moteur de recherche de Google, deux outils qui permettent de trouver des choses en un temps record sans trop chercher ni lire quoi que ce soit (un peu comme on aime faire les cadeaux aujourd’hui). Il a également reçu le soutien du salon de coiffure-visagiste « Chez José Fine » rue de la Gare à Arfeuille-Châtain.

Le trajet

Si vous ne fêtez pas Noël chez vous, vous allez vivre l’expérience du déplacement, seul ou en famille, dans une voiture ou dans un train. Vous allez vous coltiner les grèves, les bouchons et l’envie de vomir habituelle vous prendra dès les premiers virages. Il y a de quoi être angoissé, je suis bien d’accord avec vous. Sachez qu’au moment de Noël, 22 % des Français ont d’ailleurs des angoisses liées aux longs trajets en voiture[1], et ne supportent plus cette phrase lancée après le dernier café : « Allez hop, on y va car on a de la route ». Quelle flemme à l’idée d’avoir de la route, quelle angoisse. Bon, rassurez-vous avec une chose : l’avantage avec la route, c’est qu’elle crée par définition des sujets de discussion quand vous n’avez rien à vous dire (un peu comme le menu au restaurant). Comme le disait Tristan Bernard en parlant des voyages de noces :

« La coutume des voyages de noces a ce grand avantage qu’à des jeunes gens qui souvent se connaissent peu, la variété du décor et les divers incidents de la route fournissent tout naturellement des sujets d’entretien »

L’arrivée 

« Un malheur n’arrive jamais seul » (proverbe français)

Une fois arrivé sur le lieu du drame, tout un cérémonial doit évidemment être respecté. Même si le Covid va vous éviter de faire des bises à toute Vidar Nordli Mathisen Kuu5mmxkwW4 Unsplashberzingue (on ne remerciera jamais autant les Chinois pour cela), vous ne pouvez échapper aux questions classiques d’avant-match. Parmi elles : « Vous avez fait bonne route ? » qui survit d’année en année sans que personne ne sache vraiment ce que signifie « faire bonne route ». Elle est là, toujours présente, vieille de plus de 200 ans. Tout le monde l’utilise, c’est un réflexe aussi puissant que celui de frapper ou de sonner avant d’entrer. « Alors, vous avez fait bonne route ? » vous saute à la gorge à peine vos affaires déposées sur le palier. C’est pourtant très con. On sait quand on a bien mangé, bien bu ou bien b…. Mais faire bonne route ? Si vous êtes arrivé à destination, peut-on considérer que vous avez fait bonne route dans tous les cas ? Faut-il avoir touché la route, l’avoir senti, l’avoir goûté, pour pouvoir répondre à cette question ? Vous avez alors le choix de rentrer dans un colloque de ce type dès votre arrivée. Mais ce n’est pas la solution la plus efficace pour sortir de cet interrogatoire.

Mieux vaut tourner votre attention vers autre chose dès votre arrivée en vous intéressant, par exemple, aux chiens présents (ils sont de plus en plus nombreux dans ce pays). Vous pouvez par exemple vous adonner à un petit jeu pour savoir si les noms des cabots présents rentrent dans la liste des noms de chiens les plus populaires en 2021. La plus grande plateforme de garde d’animaux, Rover.com, a dévoilé récemment son étude : Nala conserve sa première place du classement en tant que nom de chien féminin le plus populaire en France, suivi de Ruby et Roxy. Maya, qui occupait la deuxième place l’an dernier, ne figure plus dans le top 10. Le premier choix des mâles en 2021 est quant à lui Rio, suivi de Rocky et Simba. Oslo, à la tête du classement 2020, a reculé pour se retrouver au 9e rang cette année. L’étude a également révélé que si plus de la moitié des propriétaires d’animaux de compagnie (56%) avait déjà choisi le nom de leur chien avant de le rencontrer, 16% des propriétaires ont déclaré avoir attendu de comprendre la personnalité de leur animal. Qu’en serait-il si nous agissions de la sorte chez les hommes ? On peut se poser la question, mais il est temps de prendre un verre.

 

L’apéro

Vos affaires sont déposées, les bonjours effectués, vous pouvez vous installer pour prendre l’apéritif de bienvenue, comme dans toute civilisation  Anna Kumpan FedV5UVX T8 Unsplashmoderne. Paul Morand disait que l’apéritif est la prière du soir des Français. Il n’a pas tort, si l’on considère que la prière s’effectue les doigts plein de sel avec des coquilles de pistache partout par terre.

Ce qui est intéressant avec l’apéritif, c’est que c’est un moment où tout le monde s’observe, se scrute. Ah, lui opte pour un whisky, ça démarre très fort. Lui pour du champagne, c’est très chic. Ah, elle ne boit pas. Peut-être est-elle enceinte. Encore un mouflet de plus, encore de l’oseille à dépenser l’année prochaine…

Bon, l’avantage avec l’apéritif un peu chargé, c’est qu’il vous permet très rapidement de vous mettre la tête sous l’eau comme lorsque vous nagez dans une piscine : les bruits s’atténuent, la vue aussi. On n’est pas si mal sous l’eau (comme dirait Yannick Agnel).

Mais ne soyez pas asocial plus que de raison. Car l’apéritif est une chose. Mais surtout, il faut trinquer, car c’est ce qui marque l’ouverture de la foire, le début du comice, c’est ce qui inaugure le moment. Stéphan Lévy-Kuentz le dit très bien dans son petit Métaphysique de l’apéritif [2] (avec une postface du merveilleux Denis Grozdanovtich) en parlant de la première gorgée (Nous vous en parlions dans le calendrier de l’Avent) :

« Par cette gorgée initiale, vous venez de couper le ruban de la cérémonie ».

 

Les cadeaux

« Joyeux Noël Felix » (Josette, dite « Zézette », in Le père Noël est une ordure)

Nathan Lemon W7nbakRx1Ks UnsplashDéjà saoul alors que la soirée ne fait que commencer, il vous faut désormais faire un petit effort pour vous adonner au rituel des cadeaux que tous les gosses épient en bavant devant les paquets depuis déjà deux heures.

Comme d’habitude, car vous êtes bien élevé, vous vous tournerez en premier vers votre neveu de deux ans en lui apportant en mains propres le cadeau que vous lui avez fait, lui assénant un « Joyeux Noël Felix » (sans la tarte dans la gueule) pour montrer aux autres personnes présentes quelques preuves de votre bonne composition. Mais comme d’habitude, il se fichera éperdument de votre fameux « geste qui compte », préférant évidemment jouer avec le tire-bouchon que vient de recevoir son père au milieu des chiens en train de bouffer les emballages papier qui subsistent encore à l’époque écologique.

Au-delà du jeune Felix, ce rituel des cadeaux va vous réserver un certain nombre de surprises. Il y aura d’abord les traditionnelles personnes qui vont vouloir montrer qu’ils ont fait les meilleurs cadeaux. Ce sont souvent les mêmes qui, lors d’un dîner, arrivent avec le plus beau dessert en demandant à tout le monde : « Alors, vous aimez ? ». N’oubliez jamais cette phrase d’Édouard Herriot pour vous apaiser :

« Les cadeaux sont comme les conseils : ils font plaisir à ceux qui les donnent ».

Il y aura aussi ceux qui vous mentent, vous expliquant que malheureusement le cadeau qu’ils ont commandé n’est pas arrivé à temps mais qu’ils nous l’enverront par La Poste dès réception (vous n’en verrez évidemment jamais la couleur).

Il y aura enfin celles et ceux qui vont offrir des cadeaux dits « de seconde main », des cadeaux « d’occasion » (par soucis environnemental disent-ils). C’est une vraie tendance (cela vous fera un sujet de discussion) : 47 % des Français se disent prêts à offrir cette année un cadeau d’occasion à leurs proches, alors qu’ils n’étaient que 18 % à imaginer cela l’année passée [3]. Les achats de produits d’occasion concernent principalement les livres (51 %), les jouets (48 %) et les vêtements (42 %).

-« Oh, merci pour ce manteau porté par dix personnes avant moi, dont l’une qui avait la gale, cela me touche beaucoup de lui donner une deuxième vie ! » ;

-« Oh quelle bonne idée cette maison de poupée sur laquelle un autre enfant avait craché par le passé, Zoé va être enchantée ! ».

Pour conclure sur les cadeaux, sachez dans tous les cas que vous recevrez des cadeaux dont vous ne comprenez ni l’intérêt ni l’utilité. Est-ce si grave ? Je ne le crois pas. Tout cela est très bien résumé par Guitry :

« Moins le cadeau est utile, plus il est agréable ».

Le repas

Bien. Le plus dur est passé. Le reste doit normalement « couler » sans trop de problème. Après quelques légères embrouilles liées au fait qu’un des convives a légèrement surévalué la taille de robe qu’il vient d’offrir à sa femme, vous voilà assis, à priori pour un petit moment, à manger ce que vous avez toujours mangé ce soir-là.

Le vin, qui coule à flot, va vous permettre de sourire bêtement et sans raison aucune tout au long du repas, bien que, snob que vous êtes, vous avez noté qu’il n’y avait pas de vin bio à table, ce qui vous chagrine terriblement. Vous êtes un produit de votre époque, ce n’est pas de votre faute. 36% des Français achètent désormais du vin bio au moins en temps en temps (+19 points par rapport à 2015), et 27% des Français déclarent consommer plus de vin bio qu’il y a 2 ans [4] (ça aussi, vous pourrez le placer durant le dîner).

Vous n’échapperez pas aux discussions qui tourneront autour du fameux « Z ». Pour détendre l’atmosphère au premier « Oui mais quand même on n’a jamais essayé », tentez une analyse de l’époque à travers la lettre Z, montrant que le Z en question n’est qu’un parmi d’autres : Zidane, bientôt entraîneur du PSG ; Zorro, qui portait un masque avant tout le monde ; Zob, car c’est une époque pleine de Zobs.

Élément de satisfaction malgré tout : l’ensemble des convives est vacciné. Vous n’allez pas être contraint d’assister à ce moment de gêne où un disciple de Francis Lalanne insulte la tablée de collabos, ce qui aurait entraîné le départ précipité de votre oncle ne pouvant supporter cela : « Liliane, fais les valises, on rentre à Paris » (vous pourrez citer Marchais au moment des discussions sur Taubira, Jadot et Mélenchon)

Le dessert

« Âne qui brait sans fin, pluie le lendemain » (proverbe français)

La fin est proche. Vous voici, ivre, devant cette buche glacée que vous finirez par manger avec les doigts car votre cuillère est déjà tombée deux fois.Monika Grabkowska YuAEcsAe4lk Unsplash Vous filerez d’ailleurs la moitié au chien afin qu’il cesse de se frotter contre vos jambes. La moitié des boutons de votre chemise blanche – tâchée au trois quart – sont ouverts. Il est tard. C’est le moment que vous choisissez pour vous faire du mouron en regardant l’application de votre banque pour vous rendre compte de l’état désastreux de votre compte. A quoi bon avoir encore dépensé autant d’argent pour faire des cadeaux dont la moitié sera revendue sur Amazon, et l’autre moitié ne servira jamais ? A quoi bon avoir dépensé 282 euros (ce que vont dépenser en moyenne les Français pour faire leurs cadeaux cette année[5]) pour tous ces gens qui parlent trop fort ?

C’est également le moment où vous vous interrogez sur votre état de forme. Comment allez-vous bien pouvoir perdre tout ce que vous avez ingurgité ce soir ? Sachez que vous n’êtes pas seul. Parmi les principales sources d’angoisse des Françaises et des Français au moment de Noël, 30 % citent le risque de prendre du poids en raison des repas trop copieux[6].

Vous êtes fatigué, comme tous les Français. Vous ne comprenez pas pourquoi tout cela n’est pas encore terminé. Ça ne s’arrête pas de jacter, ça chante, ça pleure. Vous avez juste envie d’aller vous coucher, car vous savez de toute façon que vous allez payer cher ce que vous avez bu toute la soirée.

La nuit

« Le pire ennemi du marin, ce n’est pas la tempête qui fait rage ; ce n’est pas la vague écumante qui s’abat sur le pont, emportant tout sur son passage ; ce n’est pas le récif perfide caché à fleur d’eau et qui déchire le flanc du navire ; le pire ennemi du marin, c’est l’alcool ! » (Le capitaine Haddock, in « Le Crabe aux pinces d’or »)

Ça y est, vous êtes dans votre lit, totalement déglingué, les dents pas lavées en raison du trop grand nombre de personnes squattant la salle de bain de votre enfance. Vous êtes dans cette chambre qui était aussi celle de votre enfance, cette chambre qui vous a connu alors que l’alcool vous était quant à elle encore inconnue. Ça tangue comme sur un bateau. Avec un peu de chances, vous avez chopé la gastro. Vous ne savez même pas où vous avez mis vos cadeaux.

Envie de vomir en arrivant, envie de vomir en s’endormant. Ainsi vogue la galère de Noël *.

* “Hommage à Laurent Bouvet qui aimait les mots d’esprit, la drôlerie et la dérision. Pensées affectueuses à sa femme, ses deux filles et ses proches. Merci infiniment pour tout ce que tu as fait et pour l’immense héritage que tu laisses”.

[1] Sondage Opinionway pour Amaguiz, octobre 2016

[2] Métaphysique de l’apéritif, Stéphan Lévy-Kuentz, Editions Manucius, 2019

[3] Sondage Ipsos pour Rakuten, novembre 2021

[4] Observatoire européen de la consommation de vin biologique – MillésimeBio/Ipsos, octobre 2021

[5]Sondage OpinionWay pour Proximis, novembre 2021

[6]Sondage Opinionway pour Amaguiz, octobre 2016

Toutes les chroniques d’arrêt d’urgence de Jérémie Peltier sont là.

 

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