Noël ne serait pas Noël sans une pop star de la littérature sous le sapin. Aurélien Bellanger est le dernier des écrivains naturalistes. Il excelle à extraire de notre temps, avec toute la rigueur qui le caractérise, ce que les siècles futurs contempleront. Nos passions seront peut-être jugées amorales ou vertueuses, selon le sens que l’Histoire prendra. Néanmoins, Bellanger redonne, roman après roman, le lustre mythologique d’une époque que nous jugeons insipide par sa contemporanéité même.
Lorsqu’il croquait le tycoon des télécoms, on ne pouvait qu’admirer le Bellanger des débuts, tout en observant ses excès : sa chirurgie des détails techniques, ses embardées narratives dans des dystopies synesthésiques. On avait lu Bellanger croquer l’œuvre urbanistique du XXIème siècle dans le Grand Paris et s’émouvoir de ses épanchements boulimiques pour la géographie et la topographie.
Avec Téléréalité cette année, Aurélien Bellanger est revenu avec une narration allégée. La chrysalide a éclos et c’est un pur-sang altier et évanescent qu’on découvre page après page. Provocateur à ses heures, Bellanger s’est saisi de la bête culturelle immonde, la création télévisuelle honnie puis refoulée par l’intelligentsia artistique pour en faire sa plus belle œuvre. À travers le parcours du pape de la téléréalité, double imaginaire du discret Stéphane Courbit, Bellanger attrape l’étincelle révolutionnaire d’un produit qui deviendra, au fil des décennies de consommation culturelle, un objet tristement banal. C’est l’épopée d’une rupture qu’il nous raconte à son acmé et c’est absolument jouissif. Les bellangistes de la première heure découvriront l’entrée dans une nouvelle ère de leur auteur, le stade ultime de leur idole. Pour les béotiens, ça sera un roman dans lequel la petite histoire d’un homme que nous sommes prédestinés à détester rencontre la grande Histoire que nous ne jugeons pas digne des livres. Delphine de Vigan, au placard ! Lire Téléréalité pour les fêtes des 20 ans de Loft Story, plus qu’un programme, une hygiène de vie !
“Téléréalité”, Aurélien Bellanger, Gallimard
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