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Voluptueuse érotique de printemps

Voluptueuse Ernest

Voluptueuse. C’est le mot qui correspond à cette chronique érotique de printemps que nous propose Virginie Bégaudeau. Elle nous emmène au Japon avec un académicien, nous fait aussi vivre les tribulations d’une japonaise maîtresse du désir, et nous fait atterrir dans l’Angleterre Victorienne. Voluptueuse chevauchée.

Le baiser de la pieuvre, Patrick Grainville

41nSKnmdh9L. SX195 En retrouvant « Le rêve de la femme du pêcheur », l’estampe érotique mondialement célèbre d’Hokusai, j’étais déjà plongée dans une parfaite chimère japonaise. Je ne me lasse jamais de cette représentation, aussi excitante qu’énigmatique qui est celle de l’apogée du fantasme japonais : la bête marine et la femme qui s’unissent. Avant même d’ouvrir le texte de Patrick Grainville, académicien et Prix Goncourt en 1976 pour son roman « Les Flamboyants » je me laisse bercer, hypnotisée par la sensualité et l’immoralité de ce duo. L’auteur a donc choisi de raconter leur histoire. Un amour monstrueusement obscène qui mélange romanesque, pornographie et fantastique.

Ode à la sensualité et au désir

Il y a ce bel adolescent Haruo, bouleversé par la nudité de Tô la veuve du pêcheur à qui il brûle d’avouer son amour. Un début de romance ordinaire. Mais Tô a pour amante la pieuvre géante Oryui. Et lorsque les amantes s’abandonnent à l’extase, la nature résonne avec elles. J’ai choisi mon camp dès les premiers chapitres. Je veux suis Tô, laissée au soin d’un monstre aquatique décuplé par mon imagination qui, force est de le constater, n’est pas assez vaste pour deviner ce qui m’attend. Je fonds dans un décor paradisiaque où mon corps est secoué de spasmes d’un désir interdit. Un orgasme interdit, une profusion intime et sensuelle que la fertilité de la plume de Grainville sublime. La délicatesse des mots fait écho à au trait parfait de l’estampe d’Hokusai. Il y a cette rêverie qui déculpabilise et cette envie de ressentir tous les actes luxurieux totalement fantasques.

Je dois changer ma manière de ressentir, découvrir les sensations d’un être qui n’existe pas. Il n’y a plus le frisson d’une peau chaude et moite, des mains calibrées comme les miennes. Il y a de l’eau, des tentacules qui se glissent à des endroits insoupçonnés. Clairement, Grainville me déconnecte pour un temps d’une réalité morose. Avec l’auteur, je n’ai plus aucun tabou. Juste du plaisir.

Le roman est une ode à la sensualité, à la nature et au désir constant des protagonistes. Le jeune Haruo semble d’ailleurs déconcerté par sa propre libido. Et pour saupoudrer le tout, le romantisme vient embellir cette fable hors norme. Un mélange parfait entre littérature pure et érotisme fou.

Gaijin, Jean-David Morvan, éditions Porn Pop

GaijinUn frisson venu d’ailleurs, et lui aussi du Japon. En découvrant cette BD, absolument par hasard, j’ignorais qu’elle me transporterait dans une bulle aussi érotique.

Je me glisse dans la peau de Manami, étudiante japonaise, qui voit sa vie basculer le soir où elle rencontre Julien, un jeune français, et lui propose de venir passer la nuit chez elle. J’étais déjà excitée de dominer la relation, d’être ce fantasme nippon que le sexe rend inaccessible. La nuit est éphémère mais ce qu’elle a mis en lumière est indescriptible.

Il y a ce malaise chez Manami pour sa fascination des étrangers, ou Gaijins, qui frôle l’obsession. Je suis emportée par cette déviance qui rend l’extase plus forte et moins impudique. Chaque rencontre, même fugace, fait naître de nouvelles pulsions totalement incontrôlables et je n’ai cessé de me demander jusqu’où elles s’arrêteraient. Des scènes torrides dont je suis l’instigatrice à travers les yeux, les mains, le sexe, de Manami, extrêmement réalistes, ce qui m’attise davantage, où la frontière entre le fantasme et la réalité n’existe plus.

Un seul objectif : jouir

Il y a de ces réflexions menées après la lecture d’un roman ou d’une bande-dessinée qui nous percutent. J’ai réellement senti ce besoin, primaire, ce vice, que Manami expose tout au long de l’œuvre. J’ai eu envie d’en savoir davantage, de dévorer sans m’arrêter ces hommes, ces femmes que j’aurais pu capturer et les faire jouir, et qu’ils me fassent jouir aussi d’ailleurs, par instinct. J’ai eu l’impression d’être un animal exempté d’affect et guidé par un seul objectif : la jouissance. L’humain, et ce malgré tout l’éloge que l’auteur en fait, est subtilement relayé au statut d’objet. Une ambivalence exquise qui accroit le plaisir.

Le trait du dessinateur est exaltant, le texte de l’auteur aussi cru que désiré. J’ai été conquise par la mise en perspective de cette œuvre où le plaisir domine mais où la condition des femmes n’est pas délaissée. Le choix. Le consentement. La jouissance.

Les arcanes de la maison Fleury, Gabrielle Di Caro, éditions Tabou

Les Arcanes De La Maison FleuryEn ouvrant « Les arcanes de la maison Fleury », je n’ai pas boudé mon plaisir ni masqué mon enthousiasme. Une bande-dessinée historique érotique a de quoi me conquérir sans aller plus loin. Me voici alors à la fin du XIXe siècle dans une ère connue de tous et particulièrement des amateurs de Jack L’éventreur.

Gabriele Di Caro met en scène le commissaire Barnes, submergé par une nouvelle série de meurtres. Bien décidé à ne pas subir les foudres de l’opinion publique, le policier mettra tout en œuvre pour traquer et enfermer le célèbre assassin. Jusqu’au moment où son enquête le pousse dans l’agréable maison de Madame Fleury, le jette dans les bras de ces pensionnaires aussi libidineuses que fascinées par le statut du commissaire. Au milieu de ces créatures de rêve, je me fraye une place. J’enfile mon corset, mes pantalons de flanelle, mes dessous en dentelle et deviens une fille de joie prête à satisfaire ce notable généreux.

Entre le sexe bestial et la fausse sensualité des Tolérances, il y a une enquête à poursuivre, cette impression d’être utile et nécessaire. J’adore être dans la peau de ces soumises qui gagnent leur respect par leurs prouesses charnelles et qui font jouir autant qu’elles jouissent. Car oui, Di Caro, ne laissent aucun de ses protagonistes en reste et la multiplication des scènes d’orgies, des triolismes ou des plaisirs saphiques m’offrent un panel parfait. C’est exactement ce que j’étais venue chercher avec cette BD. Le dessin, les couleurs particulièrement, sont convaincants et l’atmosphère réaliste.

Un premier tome réussi qui m’a donné, en plus d’un goût de stupre sur les lèvres, l’envie de poursuivre ma route dans cette Angleterre débauchée qui a fait fantasmer des générations. L’amour en costume engendre une véritable désinhibition. Tout est permis.

Toutes les chroniques “Petit Cochon” de Virginie Bégaudeau sont là.

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