Alors ces mémoires ? A lire ou pas ? Éléments de réponses et d’inspiration. Woody or not Woody, that is the question !
Il y a quelques mois, les premiers éditeurs de Woody Allen – Grand Central Publishing et Hachette ont décidé de ne pas publier ses mémoires. En cause : l’intervention de Ronan Farrow, prix pulitzer 2018 pour avoir lancé aux Etats-Unis le mouvement #MeToo et fils de Mia Farrow ex-femme de Woody Allen, qui déclara que “des précautions n’avaient pas été prises” quant à ce que Woody Allen raconte des accusations d’abus sexuels alors qu’elle avait sept ans sur Dylan Farrow fille adoptive d’Allen. Avoir la figure du mouvement #MeToo contre soi n’est pas de bon augure visiblement et la mobilisation de Ronan Farrow avait porté ses fruits. Woody Allen est accusé d’agressions sexuelles qu’il a toujours niées et pour lesquelles – c’est le point crucial- il n’a jamais été condamné. Aussi, en irréductible défenseur de l’Etat de Droit, on pouvait se demander quelle mouche avait piqué l’éditeur de Woody. A moins qu’il n’ait eu peur des meutes des réseaux sociaux qui deviennent de facto des décideurs de ce qui est ou non publiable. Bref, heureusement, le manuscrit a été récupéré par un autre éditeur et publié aux États-Unis et puis en France par Manuel Carcassonne, directeur des éditions Stock.
Voilà pour la “contextualisation”, c’est (malheureusement ?) à la mode en ce moment. Mais comme Woody Allen l’indique dans son livre “si vous venez pour ça vous risquez d’être déçu”. Et en effet, Woody redit ce qu’il a déjà dit et rappelle – c’est toujours le point crucial – que des juges n’ont pas jugé bon de continuer l’enquête. État de droit, toujours. Aussi, si vous voulez en savoir plus sur cette histoire, passez votre chemin et il ne faut pas lire le livre de Woody Allen.
Remise en question constante de soi-même
En revanche, si vous avez envie d’autre chose, alors oui, il faut lire le livre de Woody. Autre chose, mais quoi ? L’histoire d’un gamin juif new-yorkais un peu timide mais si drôle qui à force de travail, de rencontres, d’opportunités a croisé les plus grands humoristes du 20ème siècle, puis qui a construit sa propre renommée en créant un double fictionnel dont on a tous quelque chose. Forcément, puisque Woody dans ses films et donc aussi dans ce livre nous raconte aussi l’histoire d’un être qui doute, et qui s’interroge. Clairement, à la lecture de ce livre, une chose apparaît : on a tous – humains- quelque chose de Woody Allen. Dans le sens où chacun d’entre nous éprouve un jour l’absurdité de la vie et se demande comment la résoudre.
Et c’est l’autre raison qui conduit à lire ce récit d’une vie pleine de circonvolutions, de retours, d’avancées, de départs, de réussites, de ratés et finalement de recul sur ce qu’il est individuellement, mais surtout sur ce que nous sommes collectivement. Au fond, au travers ce récit intitulé en anglais “A propos of nothing”, Woody Allen nous dit que nous ne sommes rien et que c’est pour cela que l’humanité est belle c’est que de rien elle est capable de rire et d’inventer.
Le rire. Voilà la dernière raison qui fait qu’il faut absolument lire ce livre. Parce qu’il livre une vision drôle de l’existence, une vision drôle et sincère d’une remise en question constante de soi-même. Remise en question constante de soi-même, voilà quelque chose qui ferait du bien à tous ceux qui pensent qu’ils détiennent LA vérité absolue sur la marche du monde. Woody ne détient, lui, aucune vérité si ce n’est celle du rire et du pas de côté, et c’est pour cela qu’on l’aime. Lisez Woody, vous en sortirez le sourire aux lèvres et des questions plein la tête. C’est mieux que les tristes certitudes !
Woody Allen, “Soit dit en passant”, Stock
Toutes les inspirations d’Ernest sont là.