Heureuses Ernestiennes, heureux Ernestiens, alors que le confinement nous rapprochent, nous éloignent ou nous laissent indifférents à nos partenaires, Virginie Bégaudeau titille votre imaginaire avec sa chronique sensuelle mensuelle. Encore, une fois, Virginie aiguise les mots pour faire chavirer nos sens. Et croyez-moi, elle est en pleine forme !
LE CAHIER NOIR – JOE BOUSQUET
Une œuvre posthume érotique puissante que je découvre bien tard. Je ne peux détacher l’auteur de ces textes qui inspire la beauté des tableaux devenus chapitres et de cet érotisme à couper le souffle dont je ne suis pas sortie indemne. C’est pendant la première guerre mondiale que Joe Bousquet est touché par balle, restant paralysé. Sa vie bascule et il la dédie aux arts : peintures, littérature, philosophie…
Mais ce que je retiens de Bousquet c’est son corps d’infirme devenu fantasme pour de nombreuses femmes avec qui il entretiendra des correspondances enflammées tout en y déversant cette haine qui ne l’a jamais quitté.
Des scènes crues à la brutalité fine
J’ai été fascinée par le personnage retrouvé dans « Le Cahier noir ». C’est une obsession qui m’a gagnée à chacun des chapitres aussi brûlants qu’indécents. Je suis plongée dans cet esprit tortueux et torturé, aux abords de la folie sexuelle. Je suis voyeuse, sodomite, sadique. Je me suis perdue au milieu des scènes crues et d’une brutalité fine.
Je suis emportée dans les aventures sans lendemain des héros de Bousquet derrière lesquels ils se cachent et l’extase est au rendez-vous. A la fois spontanée et entretenue. Un livre que j’ai emporté dans mon sac et dévoré entre deux pauses crapuleuses.
C’est l’un des textes dont je porte la trace des semaines plus tard, étourdie d’un plaisir macabre mais insatiable. Un texte chimérique et visionnaire, mais surtout un texte blessé. Le destin d’un homme brisé, condamnée à répandre sa frustration à travers les mots et les belles lettres.
Je suis une grande amatrice de ce type d’œuvre. Puissante. Historique. Ce n’est pas un roman jeté sur du papier, c’est une part de vie et de sexualité vorace, inachevée, même. Je l’ai entendue comme un appel à l’aide venu témoigner d’une vie de luxure et de détresse.
PORTRAIT CONVULSIF- STREFF JEAN
Du Sadomasochisme comme je l’aime dans les romans ! J’adore la plume de Jean Streff que je trouve toujours aussi percutante que pernicieuse. Elle est d’une rare intelligence surtout. Il y a un plaisir purement intellectuel dans les ouvrages de Streff et le message qu’il transmet est insidieux. Dans « Portrait Convulsif », j’assiste avec envie à l’éducation de la jeune Ophélie, dressée par un couple avide de luxure. Je suis séduite par l’innocence de l’héroïne et de son abnégation face à ses instructeurs obscènes.
Même si le cliché prédomine, je trouve la construction du roman phénoménale. Entre réalité et fantasme, je suis plongée dans des scènes extrêmes et lubriques. Participant au dressage d’Ophélie puis à la déchéance de son maître. J’ai la sensation, très nette, d’une douleur sur ma peau frémissante et de ce désir frustré. Je suis à la merci de cet entourage que je ne peux qualifier de bienveillants mais que à qui j’envie l’expérience et la maturité sexuelle.
Des mots qui mènent à l’orgasme
Et au milieu de tout ce capharnaüm pornographique, il y a les mots d’une rare beauté qui ont le pouvoir de me guider vers un orgasme certain. Tout s’enchaîne dans ce roman, je suis transportée entre des draps souillés et le sol d’un salon cossu, entre un couple échangiste et une femme qui caresse des corps. J’ai l’impression, agréable, de voir un déroulé de mes fantasmes de jeunesse et ceux d’une décennie que je n’ai pas encore vécue. Je suis bouleversée.
Je tourne la dernière page, dévorée par ce désir malhonnête. Avide de ce sexe auquel je ne peux échapper tandis que je n’y ai pas accès. La sensation est étrange. Je veux recommencer, du début pour revivre cent fois les rêves de luxure et sentir le stupre pendant des heures.
Clairement, si je devais choisir un auteur capable de me faire frémir d’un désir presque tabou, je penserais à Jean Streff dès que l’excitation poindra.
MAL TOURNEE ! – SMULKOWSKI SCARLETT, PYTHON ISA, BRUNEAU CLOTILDE
Une gueule de bois. Un matin ordinaire. Ou non. « Mal Tournée » est la métaphore de mes fantasmes. Daphné, l’héroïne se réveille et toutes ses pensées impures se matérialisent sous ses yeux. Et elle a l’esprit terriblement mal tourné ! Les objets se muent en organes génitaux, la transformation du quotidien ressemble à une descente sous acide.
Je me glisse aux côtés de Daphné, loin d’imaginer ce qui m’attend dans cette journée lubrique où se mêlent excitation et mascarade. Est-ce la maladie ? L’alcool dans les veines ? A mesure que j’avance ma lecture, je devance ses idées et me créé moi-même d’autres projections érotiques. Je suis embarquée dans ce voyage psychédélique et sensuel.
Une projection érotique permanente
Les trois autrices de « Mal Tournée » m’ont surprise. Leur audace s’allie à la comédie et aux introspections intimes de chacun. C’est excitant et bourré de désir inassouvi. Je m’en rends compte dès les premières pages. Je m’y reconnais aussi. Il y a notre libido à travers le récit de Daphné, décortiquée et exacerbée, notre libido derrière toutes les représentations lubriques. Et nos propres pensées obscènes que nous ne dévoilons jamais !
L’aventure m’a déroutée et je crois n’avoir jamais ressenti un tel sentiment après une lecture. La fantaisie m’a permis d’avoir un certain recul sur l’état de ma sexualité et l’impact qu’elle a sur mon quotidien.
Je suis conquise par l’esprit déjanté de cette bande-dessinée qui m’a fait autant jubiler que rire. Sans doute une œuvre mésestimée par son côté masturbatoire et un public, au premier coup d’œil, masculin. Le trait du dessin est un peu grossier et me rappelle les BD comiques des étalages de supermarchés, mais nous en sommes loin.
Mal tournée est un one-shot pornographique et habile. Une réussite.
Toutes les chroniques “Petit Cochon” de Virginie Bégaudeau sont là.