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Fin d’année érotique

Notre chroniqueuse littérature érotique, Virginie Bégaudeau, est de retour. Pour attaquer les fêtes en toute sérénité et pimenter votre réveillon de noël et du jour de l'An, voici quelques idées croustillantes !

Les infortunes de la Belle au bois dormant - Anne Rice

« Pénétrez dans un monde où chaque désir est un ordre. »

Infortunes Belle Au Bois Dormant Ernest MagLe ton est donné. L’ordre est en effet très clair. Après « Blanche-Neige et les sept nains », le conte de la Belle au bois dormant est l’un des plus représenté dans le milieu érotique et pornographique. La belle tirée d’un long sommeil par un chaste baiser ? Certes non ! Dans la version originale, que l’on ne lit pas assez souvent, le prince viole sa jolie promise. Je n’ai donc pas été surprise de cette introduction ! Au contraire, je l’ai trouvée délicieuse. Une belle mise en bouche.
Anne Rice, connue pour son fantasque « Entretien avec un vampire », en a profité pour initier la belle aux délices de la chair, mais pas seulement. Servitude, soumission, perversité. La luxure et le bon sentiment n’ont aucune place dans l’écriture de la romancière. Sur trois volumes, l’auteur m’a infligé la douleur et l’obscénité réservées à Belle. Réservées à cette innocence violée. Exhibée nue, véritable esclave sexuelle, jamais fantasme, j’ai eu l’impression d’être son miroir. Je suis à mon tour l’endormie et la captive, la noblesse et l’assoiffée de puissance. Dans la cour du Roi, au service de la Reine, l’héroïne découvre la jouissance au prix des supplices endurés, exigés par le prince lui-même. C’est un texte, long, et déroutant qui m’a mené dans tout ce que le masochisme a de romanesque. C’est même ce que j’ai aimé ici.

Jouissance intense et provocatrice

Le style est captivant, provocateur surtout et l’univers feutré du conte de fée n’est qu’une illusion. Trash. Insolent. C’est l’excitation garantie pour les amateurs ou les curieux du BDSM. Je ne survole pas les scènes, parfois d’une violence inouïe, je déguste la détresse et le sexe qui s’en dégage. Les romans s’enchaînent, l’intensité monte à chacune de mes lectures. Tout est basé sur la décadence et, clairement, la pornographie. Si le lecteur ne la cherche pas, il va toutefois la subir. Subir l’humiliation constante des personnages, majoritairement féminins, subir ce fiel luxurieux qui mène aux plus inavoué des fantasmes. A mes yeux, l’auteur a délibérément écrit pour soulever la femme de ces poncifs patriarcaux. C’est très nettement ce que la suite apporte…Soulagement !
Ici, j’oublie le romantisme et les rapports consentis, je plonge avec délectation au cœur de la perversité. J’aime, je suis bien incapable de m’en détacher. C’est la cruauté de ces chapitres fantaisistes et poussés à l’excès qui m’ont convertie, littéralement, à cette course au pouvoir, à cette domination des plus licencieuses.