L’été est toujours l’occasion pour les magazines en tous genres de parler sexualité. Selon une étude parue dans le Journal of Sex Research (repérée par les confrères de TTSO) et menée auprès de 38.000 personnes en couple de longue durée (moyenne d’âge 40 ans) : “Si près de la moitié des couples suivis lisent des livres ou des articles de magazine délivrant des conseils sur la sexualité…… ce qui différencie les couples satisfaits sexuellement des autres, c’est qu’ils essaient vraiment ce qui est écrit”. Cet été on passe au travaux pratiques. Et pourquoi pas en commençant par lire des livres érotiques ? Ceux choisis pour vous par Virginie Bégaudeau ?
Parties communes – Anne Vassivière – Collection point G – La Musardine
« L’homme et la femme se rencontrent à l’intérieur de la femme, non ? On ne se rencontre soi-même qu’à l’intérieur de la femme. »
En quelques mots, l’auteur a mis en lumière les fondements de son texte. En plus du titre évocateur, le roman choral d’Anne Vassivière est une véritable tranche de vie pornographique. Divertissant. Frais. Aussi lubrique que lucide. J’ai loué, moi aussi, un appartement au cœur de vieil immeuble, le temps de connaître mes voisins, d’apprécier leur perversité, de les pratiquer avec ou sans eux. Je partage à la fois les turpitudes du pompier et le désir, avide, d’une pédopsychiatre. C’est réaliste et jouissif à la fois.
Une prise de position, pour toutes les positions d’ailleurs, un témoignage et une jolie orgie, c’est l’univers de Parties Communes. Intime. Voyeur. Je capte les infidélités et les orgasmes murmurés à travers le trou de la serrure. J’aime sincèrement l’idée que les apparences ne servent qu’à lisser le quotidien et que nous cachons l’animal, la bête assoiffée de sexualité, prête à bondir quand l’occasion de se déniaiser arrive. Les secrets des couples, les idylles et l’immoralité de ces voisins, ô combien respectables, m’ont séduite. Ils m’ont électrisée, dédoublée, au point où je voulais toquer à toutes les portes et qu’ils viennent entrouvrir la mienne. Je voulais être de leurs banquets et de leurs indécences. Je me laisse dévorer par ce sexe regardeur, ses caresses sociales et profondes pourtant.
La plume est vivante, elle suinte de stupre et incise le plaisir à la fois du lecteur, mais des personnages qui, ne se lient pas réellement. Audacieuse. Bourrée d’humour et d’amour. L’obscénité à tous les étages. De quoi me donner envie d’une bonne fête des voisins et de joyeux préliminaires dans la cage d’escalier.
Confession sexuelle d’un anonyme russe
” Je trouvais toujours des dames prêtes à m′éclairer sexuellement. Je pratiquais toujours avec succès la méthode qui consistait à feindre mon innocence, ma naïveté absolue. Je voyais que c′était un moyen presque infaillible pour “allumer” les dames et leur donner des idées libidineuses.”
Le critique anglais Wilson a qualifié ses confessions, écrites en français, de chef d’œuvre érotique, particulièrement pour les recommander à Nabokov qui y a puisé l’inspiration pour Lolita. L’anonymat de l’auteur renforce mon désir de démasquer ce noble cachotier, à en croire le sexologue Ellisun. Ce livre est un témoignage bouleversant, dérangeant, qui frôle en permanence avec la ligne jaune de la morale. C’est une plongée au cœur d’une existence bercée d’excentricité et de luxure.
Si la sensualité m’a coupée le souffle, elle m’a particulièrement excitée. J’ai sauté d’orgasmes en rire francs. De grands frissons à quelques larmes, parfois. Amères ? Honnêtes ? Elles ont le mérite de m’avoir fait trembler et d’avoir touché l’intime.
J’ai savouré l’intensité du récit, glané les bribes de ces anecdotes indécentes, essayant de les relier pour un paysage plus réaliste.
J’ai apprécié la psychologie, sombre et décadente de l’auteur. Il badine sa sexualité avec la naïveté de la puberté et de ce partage de savoir entre femmes d’une autre époque. Les pratiques qu’il décrit pourraient être les nôtres, empathiques, infaillibles et particulièrement obscènes. Une éducation qui éclaire un jeune homme en quête de sensations et de frivolité.
L’apprentissage est un peu celui du lecteur, l’âge ou la manière. Les mains sur les corps moites que le stupre n’a pas tâché. Amatrice et curieuse, j’ai envie d’être l’initiée et l’initiatrice. J’ai envie de jouir avec ce jeune fou, tous les deux ou avec ses instructeurs. Je suis prête à m’abandonner au tourbillon malsain de la débauche.
Je referme ces confessions en ayant, à mon tour, besoin de décharger les miennes entre un parloir et une nouvelle extase
La voie de Laura – Editions Pylate
« Laura savait quelle serait sa voie… celle d’une soumission totale aux désirs les plus pervers, aux ordres les plus avilissants de ses « Maîtres ». »
La jeunesse et l’insouciance rendent Laura, la jolie fille unique d’un riche homme d’affaire, dans la débauche. Ses partenaires et les aventures se succèdent jusqu’au jour où sa belle-mère décide de la chasser de l’héritage de son père. Laura est kidnappée avec sa domestique Julie. S’ensuivent alors des rapports humiliants, la soumission, la dépravation et une sexualité bien loin de celle qu’elle dévorait. Une folie sexuelle dans laquelle sombrent les deux jeunes femmes, malmenées. L’accent lesbien est fort, le BDSM s’invite dans ces rites quelques peu grossiers, mais maîtrisés. Le style est net, sans surprise, mais efficace.
J’aime particulièrement le trait intense et pornographique qui m’invite à vivre cette réclusion. Malgré la fraîcheur de l’héroïne et de l’attente d’un lectorat, naïf, les émotions sont violentes. Luxurieuses. Perverses. Ingrédients indispensables pour une bande—dessinée de cette envergure qui fait plus jouir que réfléchir. Je suis avilie par les malfrats, j’en redemande même. L’exhibitionnisme de l’œuvre est délicieux. Je le savoure, je le partage.
Le fantasme du rapt organisé est excitant et la réaction de Laura déstabilisante. Contrairement à ces contemporaines, elle se soumet et c’est que j’attendais d’elle. Je vis, j’endure et je profite de l’extase à ses côtés. Une fin néanmoins un peu trop abrupte, une envie d’explorer davantage, de souffrir un dénouement digne d’une orgie SM.
Une lecture transgressive dans une chambre mansardée, à la lueur d’une lampe de bureau des années 80. A peine un dessous et l’attente par procuration d’être celle que l’on vient enlever en pleine nuit. Vibrante.
Toutes les chroniques Petit cochon de Virginie Bégaudeau sont là.