Les Imaginales ont ouvert leurs portes, jeudi 23 mai, pour une 18ème édition placée sous le signe de la nature. Ernest s’est faufilé dans la bibliothèque de ce festival incontournable de l’imaginaire qui attire chaque année plus de 40 000 curieux et 300 auteurs. Au menu : des ouvrages de science-fiction et fantasy poétiques, politiques et garantis sans clichés.
Le plus politique : Les Furtifs, Alain Damasio
Orange, 2041 : les multinationales ont racheté les villes, les citoyens sont traqués et l’éducation privatisée. Dans cette France dystopique rongée par la technologie, Lorca Varèse, sociologue des communes autogérés intègre le Récif, unité secrète de l’armée française. Sous les ordres de l’amiral Arshavin, il chasse les Furtifs, ces créatures qui vivent dans l’angle mort de la vision. Petits êtres insaisissables, ils métabolisent instinctivement leur environnement pour échapper au regard et se céramifient pour préserver leurs secrets, à la seconde où ils sont aperçus. Les Furtifs raconte la quête d’un père qui refuse de désespérer, d’un couple lacéré par la disparition de leur petite fille de 4 ans, volatilisée un soir sans laisser de traces. Aucune piste, juste un mot : « furtifs ».
Quinze ans après la parution de la Horde du contrevent (La volte, 2004), Alain Damasio renoue avec l’anticipation politique et signe un roman expérimental exigeant. Ode à la vitalité, il dénonce les dérives de l’ultralibéralisme et les dangers d’une société techno-sécuritaire où l’homme sacrifie sa liberté pour maintenir une illusion de sécurité. Dans ce roman polyphonique, l’écrivain lyonnais explore les potentialités du langage. Laboratoire du mot, Les Furtifs propose une expérience de lecture inspirante et éreintante où chaque verbe, chaque virgule, est pesé. Une densité d’écriture qui frôle parfois l’hypertension. Peuplé de néologismes créatifs, le récit oscille entre essai politique et thriller éthologique dans un va-et-vient qui explore la sainte trinité de l’auteur : percept, concept, affect.
Si Gilles Deleuze et Michel Foucault rodent au détour de ces quelques 700 pages, la philosophie du vivant de Baptiste Morizot bourgeonne dans les interstices du discours politique. Plus qu’une énième dystopie sur fond de luttes sociales, Les Furtifs propose un manuel créatif d’insurrection et une réflexion sensible sur l’intelligence du vivant.
Les Furtifs, Alain Damasio, La Volte, 704 pages, 25 euros.
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